Prison de Pontaniou
Située au cœur du quartier de Recouvrance, à Brest, la prison de Pontaniou fait partie de ces édifices dont l’histoire se confond avec celle de la ville. Tour à tour fonderie, prison maritime, lieu de détention civile, puis friche abandonnée, elle demeure un symbole puissant de la discipline navale autant que de la mémoire résistante brestoise.
Des origines industrielles à la prison maritime
L’histoire de Pontaniou commence en 1787, lorsque le bâtiment est construit pour abriter une fonderie destinée à l’arsenal. Installée dans les anciens jardins du couvent de la Madeleine, elle participe à l’effort industriel d’un port militaire alors en pleine expansion.
La Révolution et les guerres napoléoniennes entraînent une réorganisation des infrastructures de la Marine. En 1805, décision est prise de transformer la fonderie en prison maritime, chargée de recevoir marins, ouvriers et employés de l’arsenal condamnés pour vols, indiscipline ou délits militaires.
Les travaux, dirigés par l’ingénieur Jean-Nicolas Trouille à partir des plans de Tarbé de Vauxclairs, s’achèvent en 1810. L’établissement ouvre en 1811, avec l’ambition d’être un modèle de "sûreté et salubrité", rare pour l’époque : cellules individuelles, cour de promenade, aération… un idéal qui se heurtera vite au surpeuplement et à la dure réalité carcérale.
Au milieu du XIXᵉ siècle, la fréquentation augmente au point de nécessiter une surélévation du bâtiment entre 1857 et 1859.
D’une prison militaire à un lieu de détention civile
La Seconde Guerre mondiale bouleverse profondément le rôle de la prison. En 1942, la destruction d’un autre établissement brestois pousse les autorités allemandes à utiliser Pontaniou comme lieu de détention mixte. On y enferme désormais non seulement des détenus de droit commun, mais aussi des otages, des prisonniers politiques et de nombreux résistants.
Les résistants de Pontaniou : un chapitre sombre et mémoriel
Pontaniou occupe une place singulière dans la mémoire locale en raison de son rôle durant l’Occupation. Dès 1943, il devient l’un des principaux lieux de détention des résistants brestois et finistériens, arrêtés par la Gestapo ou la Feldgendarmerie.
Beaucoup y sont incarcérés dans l’attente d’interrogatoires ou d’un transfert vers Rennes, Compiègne ou les camps de déportation. D’autres n’auront pas cette chance.
Les “disparus de Pontaniou”
Les 7 et 8 août 1944, alors que les troupes américaines approchent de Brest, plus de trente résistants détenus à Pontaniou sont exécutés dans la région. Leurs corps, souvent enterrés à la hâte, ne seront pour la plupart jamais retrouvés. Ils entrent dans l’histoire sous le nom de “disparus de Pontaniou”, symbole du chaos des derniers jours d’Occupation.
Des figures marquantes de la Résistance locale
Plusieurs résistants importants transitent par Pontaniou avant d’être déportés ou exécutés :
Paul Fonferrier, colonel des FFI et figure centrale de la résistance finistérienne, arrêté en mai 1944 et mort à Bergen-Belsen.
Henri Provostic, notaire de Landerneau et chef cantonal de la résistance, dénoncé puis détenu à Pontaniou avant d’être déporté et de mourir en camp.
Roger Bothuan, instituteur, arrêté et fusillé le 7 août 1944.
- Albert Uguen, François Cabon, Alexandre Nédélec, Henri Bourhis… tous résistants locaux parmi les exécutés ou disparus.
Au total, plus de 80 dossiers liées à des résistants incarcérés à Pontaniou sont aujourd’hui recensées par les associations locales, soulignant l’importance tragique de ce lieu dans l’histoire de la Résistance brestoise. Aujourd’hui, une plaque commémorative rend hommage à ces hommes qui ont payé le plus lourd tribut à la libération de la région.
De l'après-guerre à la fermeture
En 1952, après la dissolution officielle de la prison maritime, Pontaniou devient une prison civile, accueillant désormais des détenus de droit commun, hommes et femmes. Malgré quelques travaux réalisés dans les années 1960-1970, installation du chauffage central, réfection des sanitaires, création d’une infirmerie, la vétusté du bâtiment devient alarmante.
Le 7 mars 1990, l’établissement ferme définitivement. Les prisonniers sont transférés à la maison d’arrêt de l’Hermitage, laissant derrière eux un édifice chargé d’une histoire complexe, où se mêlent discipline, souffrance et mémoire.
De friche carcérale à tiers-lieu : la renaissance d’un patrimoine
Restée longtemps inoccupée après 1990, la prison fait l’objet de débats quant à son avenir. Une première tentative de reconversion en logements, en 2018, est abandonnée en raison des enjeux patrimoniaux et mémoriels.
En 2023, un nouvel appel à projets aboutit à la sélection d’une initiative visant à transformer Pontaniou en un tiers-lieu culturel et touristique. L’ouverture est prévue autour de 2027.
La prison de Pontaniou, par son histoire longue et contrastée, demeure un témoin majeur de Brest : témoin du port militaire, du système pénitentiaire, de l’Occupation et des sacrifices de la Résistance. Sa reconversion contemporaine s’accompagne d’une volonté de préserver et de transmettre cette mémoire, afin que les murs de Pontaniou ne soient pas seulement restaurés, mais aussi compris.
Paul Bloas : un artiste face aux murs de Pontaniou
En 1990, la prison de Pontaniou, à Brest, vient tout juste d’être désaffectée. Attiré par la force symbolique du lieu, Paul Bloas, artiste brestois, décide de s’y immerger. Il y entre seul, en 1990 puis en 1991, pour ressentir la présence des anciens détenus, écouter le silence des cellules et laisser les murs lui parler. Il explique vouloir s'imprègner de ce que les murs transpirent.
De cette confrontation entre l’artiste et l’architecture carcérale naît une série d’œuvres puissantes, où ses "géants" semblent reprendre possession des coursives et des cellules. Une rencontre entre art et mémoire, au cœur d’un lieu marqué par l’histoire et les vies qu’il a abritées.
Sources : Excursion août 2025, Wikipédia, Le Télégramme, Relecture.patrimoine.bzh, Patrimoine.bzh, Le Blog de Philippe Poisson, Resistance-brest.net, lherminerouge.fr





Commentaires
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Dominique