La tête dans les étoiles

 Ce que j’aime dans la photographie, c’est cette capacité qu’elle a à nous porter dans un ailleurs, à nous faire décrocher un instant. Quand je lève les yeux vers le ciel, j’ai souvent l’impression d’avoir la tête dans les étoiles, ou d’être un peu dans la lune. C’est une façon d’oublier le quotidien, de laisser l’imaginaire prendre le relais. Enfant, je rêvais souvent de tomber sur la planète B612, celle du Petit Prince. Je me disais qu’elle ne devait pas être si loin, peut-être juste à quelques encablures de la mienne. Les rêves, c’est ça : ils donnent le goût du voyage avant même qu’on sache où aller.

Aurore boréale, Phare de l'île Vierge, Plouguerneau (29),  le 10 octobre 2025

Et puis en grandissant, il est aisé de comprendre qu'il est plus facile de naviguer sur la mer qu'à travers l’espace. L’océan a ses limites, son horizon, ses repères. Le ciel, lui, n’en a pas. C’est une immensité sans bord, un mystère permanent. Pourtant, c’est là que je reviens sans cesse, appareil photo à la main, à essayer de capturer un morceau de cette immensité. J’essaie, humblement, de figer le mouvement des astres, de rendre visible ce qui nous dépasse. Parfois, ça marche. Une photo, une lumière, un instant suspendu. Et là, je me dis que tout en valait la peine.

Mais la plupart du temps, il faut recommencer. Les nuages arrivent sans prévenir, la mise au point se dérobe, la pollution lumineuse s’en mêle… La météo gagne souvent la partie. Pourtant, je ne ressens jamais de vraie frustration. La lune reviendra, les étoiles aussi. Elles sont patientes. Elles nous attendent. Ce n’est pas le cas des comètes ou des aurores boréales, bien sûr — elles, ce sont des invitées rares, presque timides. Il faut de la chance, du temps, et un peu de foi. Et puis, toujours, cette météo capricieuse qui nous fait râler autant qu’elle nous enseigne la patience.

Filé d'étoiles sur la chapelle de Guévroc, Tréflez (29), 1h40 de pose

Il y a aussi ces rencontres improbables, qui font partie du charme des nuits passées dehors. Parfois un autre photographe, un curieux, ou juste quelqu’un qui aime regarder le ciel. Et puis il y a les visiteurs inattendus : dernièrement, c’est un chien qui est venu me tenir compagnie. Il s’est approché doucement, en quête d’une caresse, avant de repartir comme il était venu. Je crois qu’il avait fait le mur. Ces moments-là sont précieux, aussi simples que sincères.

Et puis, il y a le silence. Celui de la nuit, qui n’est jamais vraiment silencieuse. On s’y habitue vite, à cette autre ambiance : le hululement d’une chouette, le bruit des crabes sur l’estran, le cri d’un oiseau dérangé par un prédateur. Tout est plus lent, plus discret. On sent que la vie continue, mais autrement. Avec une thermos de café pour compagne, je reste là, immobile, à écouter, à observer, à attendre. C’est ce que j’aime le plus, je crois : ce mélange de solitude et de présence, cette impression d’être minuscule sous un ciel sans fin, mais à ma place.

Montage sur l'éclipse de lune, 9 septembre 2025

Au fond, pas besoin de fusée pour voyager. Il suffit d’un appareil photo, d’un peu de patience, et du désir d’attraper la beauté quand elle passe. Le reste, c’est juste de la lumière, du silence et du rêve.

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