La laïcité ne doit pas être l’effacement de notre histoire

Chaque année, à l’approche de Noël, le même débat ressurgit : faut-il interdire les crèches dans les mairies au nom de la laïcité ? Derrière cette polémique récurrente se cache une confusion inquiétante entre neutralité de l’État et négation de notre patrimoine culturel.

Locronan

La loi de 1905, souvent invoquée de manière incantatoire, n’a jamais eu pour objectif d’effacer toute trace du fait religieux de l’espace public. Elle organise la séparation des Églises et de l’État afin de garantir la liberté de conscience de chacun. Elle ne prescrit ni l’amnésie historique, ni l’uniformisation culturelle, ni la censure des traditions populaires.

Locronan, illuminations de Noël

La France s’est construite au fil des siècles, et son histoire, sa culture et son patrimoine sont indissociables du christianisme, qu’on le revendique ou non. Nos cathédrales, nos fêtes, notre calendrier, nos paysages urbains et ruraux en portent la trace. Feindre de l’ignorer au nom d’une laïcité dévoyée revient à nier ce que nous sommes collectivement.

Saint Pol de Léon, illuminations de Noël

Le Conseil d’État l’a d’ailleurs rappelé avec clarté en 2016 : l’installation d’une crèche dans un bâtiment public n’est pas en soi contraire au principe de laïcité dès lors qu’elle s’inscrit dans une démarche culturelle, artistique ou festive, et non prosélyte. Autrement dit, ce n’est pas l’objet qui pose problème, mais l’intention. Ce cadre juridique existe, il est précis, et il mérite d’être respecté.

Landerneau,  illuminations de Noël

Pourtant, une forme de laïcité militante tend à s’imposer dans le débat public. Elle transforme un principe de liberté en instrument d’exclusion. Elle vise quasi exclusivement les symboles chrétiens, tandis que d’autres expressions culturelles ou religieuses sont tolérées, voire encouragées. Cette approche à géométrie variable fragilise la cohésion nationale et alimente les incompréhensions.

La laïcité française n’est pas un dogme figé. Elle est un équilibre subtil entre neutralité de l’État et reconnaissance du pluralisme réel de la société. Elle protège les croyants comme les non-croyants, sans exiger de renoncer à l’héritage commun.

Strasbourg

Refuser une crèche dans une mairie au seul motif qu’elle rappelle l’origine chrétienne de Noël, c’est confondre neutralité et négation. C’est substituer à l’esprit de 1905 une lecture idéologique qui divise au lieu de rassembler.

Il est temps de revenir à une laïcité de bon sens, fidèle à son histoire et à sa vocation première : garantir la liberté, préserver la paix civile et permettre à chacun de se reconnaître dans une République qui n’efface ni son passé ni sa culture.




📚  Pour rappel, informations : marché de Noël de Strasbourg :

LE MARCHÉ DE NOËL

En 1570, Johannes Flinner, prédicateur de la cathédrale, condamne le marché de la Saint-Nicolas, ou Klausenmärik, tenu autour du 6 décembre. Il obtient des autorités municipales sa suppression et son remplacement par le marché de l’Enfant-Christ, ou Christkindelsmärik, situé dans les jours qui précèdent Noël. Les baraques des ciriers, des marchands de pain d’épices et autres friandises y côtoient les boutiques des herboristes, des selliers, des fripiers et des merciers, sans oublier la vente de sapins.

Le Christkindelsmärik dure trois jours au XVIe siècle, puis six jours au début du XIXe siècle, avant de s’étendre au temps de l’Avent. D’abord établi autour de la cathédrale et dans la rue Mercière, le marché de Noël s’installe ensuite place Kléber avant de se fixer sur la place Broglie après 1870. Au début des années 1990, il revient au pied de la cathédrale et se répand sur les places du cœur de la ville.

LES DÉCORATIONS DE NOËL

Traditionnellement, le sapin est dressé et décoré la veille de Noël. Originellement, il est orné de pommes rouges, fruit de la tentation du couple primordial : Adam et Eve. Elles sont accompagnées d’hosties qui évoquent la rédemption.

En 1858, au lendemain d’une grande sécheresse, les Vosges du Nord sont privées de fruits pour la décoration du sapin. Un verrier de Goetzenbruck les remplace par des boules en verre soufflé. D’autres éléments complètent le décor : figures imprimées, petits objets en bois, glaçons de verre, « cheveux d’ange », guirlandes. La cime est décorée d’une étoile représentant celle de Bethléem ou d’une pointe.

LE SAPIN DE NOËL

Durant l’Antiquité, les peuples de l’Europe septentrionale offraient aux divinités des arbres ou des branches ornés de fruits. Cette tradition est christianisée au Moyen Âge. Le sapin, qui demeure vert durant la saison hivernale, est associé à la Nativité.
La première mention écrite de sapin de Noël est relevée à Sélestat le 21 décembre 1521. La ville rémunère des gardes forestiers pour éviter leur prélèvement en trop grand nombre.
La coutume s’impose au XVIᵉ siècle en Europe centrale. Cependant, elle peine à se diffuser au-delà des Vosges. La princesse palatine et Marie Leszczynska tentent sans succès de l’introduire à Versailles.
En 1837, un sapin est dressé aux Tuileries. Popularisé avec l’émigration des Alsaciens après la guerre de 1870, il est alors perçu comme un symbole de l’âme alsacienne.

LE PÈRE NOËL

En Alsace, l’ancêtre du Père Noël est l’homme Noël ou Weihnachtsmann. D’origine germanique, il vient des contrées protestantes de l’Allemagne centrale. Tout de vert vêtu, il est introduit dans notre région à la fin du XIXᵉ siècle. Il se distingue du saint Nicolas par un costume où disparaît toute référence religieuse. Il s’implante à la faveur de la diminution de la pratique religieuse dans une société en voie d’industrialisation et d’urbanisation.

Descendant du Sankt Niklaas apporté par les colons néerlandais du XVIIᵉ siècle, le Père Noël provient des États-Unis sous l’appellation de Santa Claus. Il arrive en Alsace au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il est alors fraîchement accueilli par les prêtres catholiques et les pasteurs protestants qui fulminent en chaire contre le « gros bonhomme ventru ».

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