Ecosse, de Caol, Fort William à Plouguerneau
11 août 2018
La matinée que nous avons vécue à Caol restera gravée dans nos mémoires ! Alors que nous contemplions paisiblement la mer, encore enveloppés par la douceur du petit matin, une présence inattendue s’est approchée de nous. Une grosse truffe humide s’est posée contre nos épaules : Yvette venait nous renifler avec curiosité.
Yvette n’est pas un chien, loin de là. C’est l’animal de compagnie d’un jeune Écossais qui, amusé par notre surprise, nous lance : « Don’t worry, she’s lovely ! » La demoiselle arbore un magnifique pelage noir, soyeux et lustré par l’humidité de la brume. Elle pèse facilement entre 400 et 500 kilos. Oui, Yvette est une vache des Highlands... que son propriétaire promène comme d’autres promènent leur chien.
Une fois la stupeur passée, nous profitons avec elle de ce moment hors du temps, assis sur le sable, dans le calme absolu de la plage. La mer se retire lentement, laissant apparaître de petits miroirs d’eau et les cris lointains des oiseaux marins rythment cette scène irréelle. Nous savourons un dernier café en observant Yvette qui déambule tranquillement, comme si elle nous tenait compagnie.
Puis vient le moment de reprendre la route. Cap vers le sud, les valises rangées à la hâte à l’arrière, comme si nous quittions un rêve éveillé. En traversant la réserve naturelle de Glencoe, nous avons l’impression d’entrer dans un autre monde. Les montagnes se dressent devant nous, abruptes, imposantes, presque intimidantes. Leurs sommets disparaissent dans une brume épaisse et mouvante qui glisse lentement entre les vallées, comme si elle nous invitait à parler moins fort, à respecter le silence de ce lieu.
Les lochs sombres bordant la route agissent comme des miroirs, capturant à la fois les reflets des falaises et les éclats d’un ciel changeant. L’atmosphère est à la fois mystérieuse et apaisante. On ressent une sérénité immédiate, comme si chaque respiration devenait plus profonde, plus consciente. Impossible de résister à l’appel des sentiers : nous nous arrêtons, attirés par cette nature brute, presque sauvage. Et miracle : il ne pleut pas. En Écosse, cela relève de la bénédiction météorologique. Nous en profitons pour marcher, laisser nos pas s’enfoncer dans la terre humide, écouter le vent se glisser entre les herbes hautes. Parfois, le silence est si complet qu’on croirait entendre battre notre propre cœur.
Après cette parenthèse hors du temps, nous reprenons la route pour une nouvelle halte à Bridge of Orchy. Ici, le paysage s’adoucit. La vallée s’ouvre et offre une vue paisible sur les collines verdoyantes qui ondulent jusqu’à l’horizon. Nous installons notre petit campement au bord d’une rivière, bercés par le ronronnement régulier de l’eau qui glisse sur les pierres. Le barbecue s’allume et crépite, dégageant une délicieuse odeur de fumée qui se mêle à l’air frais du soir. La lumière décline lentement, teignant le ciel de nuances dorées puis violettes.
Assis là, enveloppés par la fraîcheur du crépuscule, nous savourons ce moment simple : un repas chaud, la nature pour seule compagnie, et le sentiment profond d’être exactement là où nous devons être. Lorsque nous nous glissons enfin dans nos duvets, apaisés par la journée, une pensée nous accompagne : demain sera encore une nouvelle aventure.
12-13 août 2018
Nous reprenons la route, un peu à contrecœur, mais l’appel de la suite du voyage est plus fort. Nous avons un objectif : rejoindre New Lanark, la ville-musée classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ce lieu chargé d’histoire nous intrigue depuis longtemps. En chemin, nous imaginons déjà ce que nous allons découvrir : les anciennes filatures, les maisons ouvrières restaurées, l’atmosphère figée dans le temps.
Lanark occupe une place toute particulière dans l’histoire écossaise. C’est ici que William Wallace, figure emblématique et héros national, aurait initié en 1297 le soulèvement qui déclencha la première guerre d’indépendance de l’Écosse. Marcher dans ces rues, c’est remonter le fil des siècles et se tenir exactement là où l’histoire a basculé. Rien que cette pensée suffit à accélérer le rythme de notre route.
En 1785, deux entrepreneurs visionnaires, David Dale et Richard Arkwright, choisissent ce coin reculé au bord de la Clyde pour y fonder une immense manufacture de coton. Très vite, New Lanark devient un village à part entière : plus de 2 000 personnes y vivent et y travaillent, rythmées par le bruit des machines et le courant de la rivière. Entre 1800 et 1825, le village connaît son âge d’or sous la direction de Robert Owen, un pionnier du progrès social. Il met en place des conditions de travail inédites pour l’époque, crée des écoles pour les enfants, améliore l’éducation des adultes et garantit des logements dignes aux familles. Ses idées, révolutionnaires au début du XIXᵉ siècle, feront de New Lanark un modèle international.
Les filatures continueront de fonctionner jusqu’en 1968, avant que le site ne soit progressivement abandonné. Grâce à une restauration méticuleuse menée par le New Lanark Trust, le village renaît peu à peu. Aujourd’hui, il est à nouveau habité et vivant, comme un fragment d'un passé préservé. En 2001, New Lanark est reconnu Patrimoine mondial de l’UNESCO pour sa "valeur universelle exceptionnelle". Marcher dans ses rues pavées, c’est traverser plus de deux siècles d’histoire industrielle et sociale.
Le soir venu, nous recevons la visite d’un invité… disons, inattendu. Alors que nous profitons tranquillement de notre campement, un petit museau se glisse discrètement hors des fourrés. Un écureuil, jeune, audacieux, et clairement expert en infiltration, pointe le bout de son nez, l’air de dire : "Alors, on ouvre ce frigo, ou bien ?" Visiblement, notre présence ne l’impressionne pas du tout. Il avance d’un pas assuré, queue en panache, attitude conquérante. Nous, en revanche, restons figés, un peu gênés de nous faire juger par un rongeur gourmet. Il inspecte nos affaires avec l’assurance d’un contrôleur sanitaire : Tiens, pas mal ce barbecue, et ce frigo, parlons-en...
Nous comprenons rapidement qu’il ne vient pas pour faire connaissance, mais pour une mission bien plus précise : un braquage de provisions. Après quelques minutes de négociations silencieuses — regards entendus et intimidations de moustaches — il repart, déçu de ne pas avoir pu accéder à nos réserves. Bref, ce soir-là, nous avons eu un écureuil cambrioleur. Et nous avons survécu sans dommages matériels. Pour cette fois.
14-15 août 2018
Nous poursuivons notre descente vers le sud en laissant défiler les paysages écossais par la fenêtre. La route nous mène d’abord à travers le vaste domaine du château de Drumlanrig : immense propriété, bois impeccablement entretenus, et cette impression étrange d’entrer dans une carte postale. Nous continuons ensuite vers Kirkcudbright, petite ville artistique où les façades colorées semblent rivaliser avec la lumière du ciel, puis nous rejoignons Portpatrick, accroché à flanc de falaise face à l’océan.
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| Drumlanrig Castle |
Enfin, nous atteignons Port Logan, notre halte pour la nuit. Au large, les lumières de Belfast scintillent, comme un chapelet d’étoiles posé sur la mer. Mais celle qui attire toute notre attention, c’est la lumière du phare de Mull of Galloway (parfois appelé Bull of Galloway), qui balaie l’horizon avec régularité, comme pour nous souhaiter la bienvenue.
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| Kirkcudbright |
Avant de nous installer définitivement, nous partons pour une première balade près de notre bivouac. À quelques pas seulement, un charmant petit village se dévoile : maisons blanches, front de mer paisible, et une atmosphère hors du temps. Le vent porte l’odeur du sel et le cri lointain des mouettes. Difficile de ne pas s’arrêter toutes les deux minutes pour admirer la vue.
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| Portpatrick |
Port Logan nous offre exactement ce dont nous avions besoin : un endroit où ralentir, entre terre et mer. Ici, le monde semble tourner un peu moins vite. On respire, on observe, on écoute. Et surtout, on savoure l’instant. Port Logan est un petit coin perdu au bout du monde (ou presque). À l’entrée, un grand panneau d’information nous accueille. C’est une véritable déclaration d’amour à Thomas Telford, ingénieur écossais du XVIIIᵉ siècle, bâtisseur de routes, ponts, canaux et… de cette jetée. On apprend que l’ancien nom du village était Port Nessock, ce qui veut dire "la baie du nez". Apparemment, la pointe du promontoire ressemblerait à un nez qui plonge dans la mer.
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| Low Row (Laigh Row pour les intimes) |
Au début des années 1800, le colonel Andrew McDouall a eu l’idée de creuser un bassin directement dans la roche, relié à la mer par un tunnel. À l’époque, ce n’était pas une attraction touristique : c’était le frigo du domaine – un frigo qui respirait l’air marin et gardait les poissons bien au frais. Aujourd’hui, on peut le visiter. Le Logan Botanic Garden, lui, bénéficie du Gulf Stream et s’amuse à cultiver des plantes venues d’Amérique du Sud, d’Afrique du Sud ou d’Australie… pendant que nous, on garde nos manteaux bien fermés. C’est un peu comme si les plantes vivaient un city break tropical, mais en Écosse.
Port Logan, c’est ça : un mélange de mer turquoise (quand le soleil daigne apparaître), d’histoire, d’imagination, et surtout une tranquillité presque irréelle. Ici, tout semble figé dans le temps…
Même le vent prend des pauses.
Le cairn de Kennedy, est une structure qui fait partie du paysage depuis la fin du XIXᵉ siècle. Le cairn est classé monument historique depuis 1994. Nous savons qu'il a été utilisé comme poste d’observation pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale, mais sa fonction d’origine reste un mystère. Sa forme inhabituelle a d’ailleurs alimenté de nombreuses spéculations au fil des ans. Selon une histoire locale, Kennedy, un garde-chasse travaillant pour la famille McDouall de Logan, utilisait le cairn pour poser des pièges à corbeaux, car ceux-ci tuaient ses moutons.
L’histoire du cairn de Kennedy remonterait encore plus loin : lors de fouilles menées autour de sa base, 55 fragments de silex ont été découverts dans une zone érodée. La plupart étaient des déchets de fabrication d’outils en silex, mais certains fragments étaient de grandes lamelles retouchées ainsi que 10 lames étroites, ce qui pourrait indiquer une datation mésolithique.
Au printemps et en été, la lande est recouverte de bruyère violette et d’autres fleurs sauvages, servant de refuge à de nombreuses espèces de papillons et de mites. Selon la légende, la bruyère aurait autrefois fourni de la nourriture aux habitants du Mull of Galloway. Immortalisée dans le poème de Robert Louis Stevenson, l’histoire raconte qu’au IVᵉ siècle, les Pictes du Rhins of Galloway brassaient une mystérieuse bière de bruyère. Cette boisson était célèbre pour son goût unique et ses effets, et sa recette secrète se transmettait de génération en génération. Niall, Haut Roi d’Ulster, envahit et conquit la région, laissant les habitants mourir de faim. Les deux derniers Pictes réussirent à survivre et, lorsqu’ils furent capturés, Niall leur promit la vie sauve en échange de la recette. Ils refusèrent. Et, se jetant du haut des falaises abruptes, ils emportèrent avec eux le secret de la bière de bruyère.
Le Mull of Galloway, situé dans le comté de Wigtownshire, marque le point le plus méridional de l’Écosse. Ce promontoire sauvage, battu par les vents et surplombant des falaises abruptes, offre des vues spectaculaires sur la mer d’Irlande et, par temps clair, jusqu’aux côtes d’Angleterre, de l’île de Man et même de l’Irlande du Nord.
On y trouve un phare emblématique de 26 mètres de haut, édifié en 1830 par l’ingénieur Robert Stevenson, et dont la lanterne culmine à 99 mètres au-dessus du niveau de la mer. Toujours en parfait état, il témoigne de l’histoire maritime riche et parfois périlleuse de la région. Aujourd’hui, il abrite un petit centre d’interprétation qui raconte la vie des gardiens de phare d’autrefois et le fonctionnement de la signalisation maritime.
Le site comprend également une réserve naturelle gérée par la Royal Society for the Protection of Birds (RSPB). Au printemps et en été, les falaises se transforment en une véritable métropole d’oiseaux marins, grouillante d’activité. Des milliers de guillemots, de mouettes tridactyles, de pingouins torda et de macareux y nichent, rivalisant d’ingéniosité pour trouver la meilleure place sur les corniches rocheuses. Les cris incessants, les battements d’ailes et les allées et venues des adultes nourrissant leurs poussins composent un spectacle aussi impressionnant que chaotique.
Les oiseaux se frôlent, se bousculent et parfois se chamaillent, tout en élevant leurs petits à quelques centimètres du vide, dans un environnement à la fois fragile et fascinant. Observer cette effervescence depuis les sentiers aménagés offre une expérience unique, où se mêlent nature brute, histoire maritime et panoramas grandioses.
À l’issue de cette belle découverte, nous reprenons la route en direction du charmant village de New Abbey, où nous faisons halte pour la suite de notre journée. Niché dans un écrin de verdure, ce petit village pittoresque est dominé par les ruines impressionnantes de Sweetheart Abbey, une ancienne abbaye cistercienne du XIIIᵉ siècle. Chargée d’histoire et empreinte d’une atmosphère paisible, elle doit son nom touchant à l’amour de Lady Devorgilla pour son époux défunt : après la mort de celui-ci, elle conserva son cœur embaumé dans une boîte d’ivoire et demanda à être enterrée avec lui.
17 août 2018
Flâner autour de l’abbaye ou se perdre dans les ruelles du village donne l’impression de remonter le temps. Ici, tout semble se dérouler au ralenti, comme suspendu entre passé et présent. Les vieilles pierres, les cottages aux façades fleuries et les collines ondoyantes composent un décor presque irréel, où l’on se laisse volontiers happer par la quiétude des lieux. Un véritable havre de paix, idéal pour se ressourcer avant de reprendre la route.
Notre itinéraire nous conduit ensuite à proximité du Caerlaverock Castle, une majestueuse forteresse triangulaire entourée de douves, avant de rejoindre le petit port du village. Là, surprise agréable : nous croisons les marins de La Malouine, en escale en Écosse. L’échange est chaleureux, et ce moment inattendu ajoute une touche d’authenticité à la journée.
Puis vient le temps du retour. Les vacances touchent à leur fin et nous mettons le cap vers Manchester, avec l’espoir d’arriver suffisamment tôt pour visiter le mythique stade d’Old Trafford. Malheureusement, un embouteillage interminable sur la M6 réduit nos ambitions à néant : lorsque nous atteignons enfin le stade, les portes viennent tout juste de fermer.
Nous ne nous laissons pas abattre : nous en profitons pour faire le tour du site, apercevoir les tribunes depuis l’extérieur et nous consoler dans la boutique officielle. Après cette ultime visite improvisée, nous reprenons la route et faisons étape pour la nuit à Middlewich, au sud de Manchester.
18-19 août 2018
Nous arrivons en fin de journée à Poole, point de départ de notre traversée du lendemain. À partir de 19 heures, nous sommes autorisés à accéder au parking de la compagnie Brittany Ferries où les véhicules commencent déjà à s’aligner en file bien ordonnée. L’ambiance est particulière : un mélange d’excitation et de douce fatigue de fin de voyage.
Nous profitons des installations portuaires pour prendre une longue douche chaude, un moment de confort bienvenu après plusieurs heures de route. Peu à peu, le parking se remplit et l’attente se transforme en véritable lieu de rencontres. Les voyageurs sortent de leurs véhicules, se dégourdissent les jambes, discutent, échangent des anecdotes de voyage et des bons plans. On devine que beaucoup, comme nous, rentrent d’une aventure riche en découvertes.
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| Poole |
Dans cette atmosphère conviviale et détendue, les frontières s’effacent. On parle avec ses voisins de parking comme avec de vieux amis, et l’impatience du départ laisse place à un agréable sentiment de communauté avant la traversée.
👉 Bilan de ce voyage :



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Commentaires
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Bonjour,
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Dominique