Rara Avis
Au mouillage, le Rara Avis repose dans le calme clair du matin. Autour de lui, la mer respire lentement, étirant ses ondulations d’ardoise et de turquoise sous le souffle régulier de la brise d’ouest. Les amarres sont tendues, les voiles carguées, et dans le balancement régulier de la coque, on entend la chanson sourde de l’eau frappant le bois — cette musique ancienne que connaissent tous les marins solitaires.
Devant lui, l’île Vierge se dresse, âpre et splendide, gardienne de granit posée sur la mer d’Iroise. Ses deux phares, l’un ancien, l’autre élancé comme une flamme pétrifiée, veillent sur le large depuis des siècles. Au pied des falaises, la houle s’écrase en gerbes blanches, polissant les roches et jetant dans l’air son haleine salée.Le Rara Avis semble contempler ces géants de pierre, humble et fier tout à la fois, comme un voyageur venu saluer ceux qui ne partent jamais. Dans la lumière naissante, sa coque claire capte les reflets du ciel, et l’on croirait voir le navire flotter entre deux mondes — celui des hommes et celui du vent.
Un goéland traverse le silence, son cri déchirant glisse sur les eaux avant de s’éteindre. À bord, tout est calme : le gréement tinte doucement, les drisses chuchotent contre le mât, et le parfum de l’iode se mêle à celui du bois mouillé. On sent le large tout proche, cette respiration profonde qui invite à repartir, à hisser de nouveau la toile et suivre la houle vers les horizons ouverts.
Mais pour l’heure, le Rara Avis demeure là, au mouillage devant les phares de l’île Vierge — entre veille et repos, entre deux traversées. Il écoute la mer, fidèle compagne, et laisse le temps s’étirer, suspendu dans la lumière bretonne. Le monde semble s’effacer, ne reste que le murmure du vent, le clapotis contre la coque, et l’éternité du large.

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Dominique