BZH, Blues en Zone Happy

#5
Ce billet ne fera pas état du blues des businessmen, ceux là mêmes qui veulent le beurre (salé), l'argent du beurre (salé) ainsi que les atouts de la crémière. Du reste, Donald et consorts ne sont pas de notre zone ! 
Cela fait déjà quelques mois que l'insolent ballet des ambulances roulent vers des destinations anonymes sans klaxons ni flonflons. Elles n'ont pas à se faufiler entre des véhicules qui se garent sur le bas côté pour leur faciliter le passage. Leur chemin est tout tracé sur un asphalte quasiment vide. Elles passent, repassent... A ce jour, chiffres à l'appui, la Bretagne est une des régions les moins touchées, de France, par le Covid 19. Il n'empêche que les personnels soignants et d'interventions doivent suivre les mêmes préconisations face à ce fléau que dans des régions fortement atteintes. Les pompiers doivent davantage intervenir sur des conflits dûs à la promiscuité. Cela induit nécessairement des craintes et des questionnements de la part de personnels durement éprouvés depuis des années. C'est le blues d'une blouse blanche ou d'un fireman, en zone épargnée comme ils disent ! Une zone pas toujours si happy que ça ! Aujourd'hui, la parole est donnée à ceux qui ne la prennent jamais. Marie est infirmière dans un service hématologie-oncologie pédiatrique. Erwan, quant à lui, est adjudant des sapeurs pompiers, adjoint au chef de Salle au Centre de Traitement des Appels - Centre Opérationnel Départemental d'Incendie et de Secours de Quimper (CTA-CODIS). 



"Coucou, Marie comment vas-tu ?
On fait aller. C'est pas simple... Pour les gens, c'est facile pour nous à Brest parce qu'on n'a pas de cas comme en Île-de-France ou dans l'Est de la France. C'est vrai tant mieux, mais ça ne veut pas dire que c'est plus simple pour nous. Les règles sont les mêmes, le stress et la tension sont les mêmes. Les masques et les blouses sont rationnés à la semaine... En pratique, il est difficile de garder son masque en continu sur douze heures. Humainement, dans la relation aux patients et les familles, c'est une barrière...
Les blouses vont devenir une denrée rare. Un appel a été lancé sur les réseaux sociaux pour la fabrication via les fournitures de l'hôpital. Il nous manque également du matériel simple (perfuseurs, pansements, certains médicaments...) livré à une cadence moins importante que d'habitude.
Alors d'entendre, pour vous ça doit aller, ben non ça va pas en fait ! Perdre un ado d'un cancer et permettre uniquement la présence à sa famille proche pour l'accompagner, à cause du Covid, ... pas d'amis, pas de cousins, d'oncles, de tantes... 
Faire des découvertes de cancers, le dernier une petite fille ... A peine le diagnostic posé nous sommes obligés de mettre en place les règles. Un seul parent auprès de l'enfant. Oui votre fille a un cancer mais là, il faut faire un choix, seul l'un d'entre vous peut rester auprès d'elle, soit papa, soit maman. Un changement est autorisé dans 3 à 4 jours, si et seulement si il n'y a pas de signes de maladie dans le foyer (l'autre parent, la fratrie) rhume, toux, fièvre...
Alors non, je regrette, c'est difficile pour moi d'entendre dire ; ça va pour vous à Brest tout se passe bien .../... Je vais bien vis-à-vis d'autres, c'est certain, je ne suis pas dans un lit avec un respirateur. .../... Plus de la moitié de ma famille et beaucoup d'amis sont sur le terrain. Que ce soit en Bretagne ou ailleurs .../... Et oui c'est effrayant.
Le virus est présent, en Bretagne beaucoup de malades sont chez eux. Il y a des va et vient à l'hôpital. Et oui, comme tout le monde nos vies sont suspendues depuis un mois et c'est loin d'être terminé.
J'ai, à part le taff, qui est stressant, mon cocon qui me permet de me ressourcer. Après quinze jours de confinement, j'ai repris la course à pied dans le rayon de un kilomètre  

Mais en dehors de tout ça, ça va.

Coucou Marie, comment vas tu ?
Bonsoir je rentre la de ma journée
De nouvelles découvertes de cancers ..."


Les chiffres en France au 18 avril 2020, source : santepubliquefrance.fr
"Coucou, Erwan ça se passe comment au travail ?
Je reçois toutes les demandes de secours du département, gère l'engagement des secours ainsi que le suivi des interventions.
Au niveau conditions de travail : en temps habituel, nous faisons des gardes de 12 heures en alternant les 12 heures de jour (8 heures-20 heures) et 12 heures de nuit (20 heures- 8 heures). Actuellement nous réalisons des périodes de 24 heures avec un personnel supplémentaire la nuit pour permettre d'effectuer une pause de 3 heures sur un lit, tout en étant rappelable en cas de grosse intervention ou interventions multiples.
Ces 24 heures ont été mises en place pour limiter le croisement des personnels des gardes montantes et descendantes. Pour éviter de l'interaction entre les équipes, un sens de circulation a été créé (porte d'entrée et porte de sortie). Au cas où un agent serait porteur du COVID-19, ça limiterait la propagation aux autres équipes.
Il est impensable que le CODIS soit fermé, un centre de secours peut l'être, la couverture opérationnelle serait assurée par le centre d'à côté. Nous, nous n'avons pas de "secours" pour pallier à l'absence du personnel CODIS.
Le premier maillon des secours est le témoin mais le premier maillon de la chaîne des sapeur-pompiers, c'est nous. Notre plateau technique est mis "sous cloche", aucune visite n'est autorisée même des autres officiers de la direction départementale.
Actuellement, le nombre d'interventions a diminué de près de 40%, les gens ne bougeant plus. En dehors des interventions où les cas de COVID-19 sont suspectés, le nombre de sorties de secours pour des violences intra-familiales a nettement augmenté, parfois, c'est à nous de les différencier par rapport à une blessure suite à un accident domestique et ça au téléphone !
Pour nous, tous les appels où nous détectons, au téléphone, que la victime a des difficultés à respirer, a de la fièvre, tousse, même pour un accident de circulation, est considéré comme cas suspect pour que les collègues sur le terrain prennent le maximum de précautions. Ceux-ci ont la possibilité de déclasser le cas si aucun des symptômes n'apporte crédit à ce virus.
Oui, en Bretagne, pour l'instant, nous sommes privilégiés, le nombre de cas confirmés est moindre par rapport à beaucoup d'autres régions, est-ce la distance par rapport aux clusters ou au respect du confinement ? Ce n'est pas une raison pour relâcher la pression.
J'ai la chance d'avoir un petit jardin de 100 m2 donc ça me permet de sortir, autour de chez moi, dans un rayon d'un kilomètre, j'ai la chance d'avoir pas mal de routes donc ça me permet de parfaire mon activité physique. C'est une chance..."


Données au 18 avril 2020, source : gouvernement.fr
Alors oui, les blouses blanches et les pompiers de Bretagne connaissent les mêmes difficultés que leurs homologues à travers la France. Que ce soit ici ou ailleurs, le travail de tous les jours continue. L'afflux de patients dû à la pandémie oblige à une gestion différente et complémentaire du travail quotidien. A l'hôpital, il n'est pas question de jouer avec une calculette. Le personnel hospitalier a face à lui des femmes et des hommes de tous âges. Les pathologies présentées sont toujours des cas uniques, tout comme les interventions des pompiers. Le confinement est un terrain fertile aux violences intra-familiales. Elles se sont invitées en parallèle d'une crise sanitaire particulièrement difficile à maîtriser. Elles ont augmenté de façon dramatique. Ce type de violence n'est pas un acte qui se confine entre celui qui assène et celui qui reçoit, le traumatisme est vécu par toute une famille. La portée d'une telle violence est insoupçonnable. Il y a des plaies qui seront difficiles à panser...

Pas plus en Bretagne qu'ailleurs, les personnels de santé et les pompiers ne se plaignent de leur travail. C'est un sacerdoce. Elles/ils réalisent un travail de fou ! Un jour, peut-être, elles/ils s'occuperont de nous... Marie et Erwan sont tous les deux en phase sur une action individuelle à mener afin d'enrayer la pandémie. S'il est parfois compliqué de rester enfermé-e-s, il ne faut pas se relâcher. Nous avançons toujours vers des jours meilleurs. Il y aura eu le jour d'avant, puis un grand flottement, un peu comme si nous étions en apesanteur... Il y aura le jour d'après... Celui que nous attendons tous, avec envie mais sans précipitation...

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Commentaires

  1. Un très bel hommage à ceux qui sont aux premières lignes. Sans pour autant oublier les autres acteurs, ceux en blouse blanche sont confrontés à la douleur des patients, de la famille qu'ils prennent en chargent chaque jour qui passe.

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Dominique