Auschwitz–Birkenau

La visite du camp de Auschwitz–Birkenau laisse sans voix, comme une plume qui reste en suspend et laisse couler l’encre de ses maux. Les mots, quant à eux, pourraient être alignés en de belles phrases sur une feuille immaculée. Ils auraient la fraîcheur qu’ont ressenti les prisonniers juifs à l’ouverture des wagons. Après une sélection des plus belles phrases, d'autres seraient rayées… Gommées, afin qu’il ne reste rien de leur existence éphémère sur cette page immaculée à l’odeur devenue nauséabonde. On y sent les relents de ce gaz créé par ces jolis petit cailloux d’un bleu azur. « Conscient de la pauvreté de mes moyens, je voyais le langage se transformer en obstacle. .../… Est-ce parce que le témoin s’exprime si mal ? La raison est différente. Ce n’est pas parce que maladroit, il s’exprime pauvrement que vous ne comprendrez pas ; c’est parce que vous ne comprendrez pas qu’il s’explique si pauvrement. » (Elie Wiesel, 1928-2016, La Nuit, préface éd.2007).
Four crématoire d'Auschwitz I

Empreint de dégoût, de colère et d’impuissance, il y a le désir de comprendre l’indicible. Les témoignages des rescapés ne donnent pas de réponses. Il y a t’il seulement une réponse à l’abomination d’Auschwitz-Birkenau, à qui il faut y associer les camps de Bełżec, Chełmno, Majdanek, Sobibor, Treblinka. Dans les camp d’extermination, les bourreaux ont atteint le paroxysme du cynisme. Soufflant le chaud avant de faire subir les pires humiliations à des êtres humains qui n'aspiraient qu’à vivre paisiblement tout en respectant la mémoire juive. « Ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le répéter » (Georges Santayana, 1863-1952). Les massacres systématiques de juifs sont perpétrés dès 1939 lors de l’envahissement de la Pologne. Fusillades ou créations de ghettos afin de les laisser mourir de faim, froid ou maladie… Puis vient le 20 janvier 1942, date de l’horreur. Ce jour là, lors d’une réunion dans une villa des environs de Berlin, des dignitaires nazis mettent au point la planification de l’extermination totale des juifs d’Europe : La « Solution finale ». Le processus d’extermination des juifs progresse au fur et à mesure des annexions territoriales pour devenir quasi industrielle.

Reproduction d'image d'archive, Auschwitz–Birkenau, faisant suite à la sélection, ce groupe se dirige vers les chambres à gaz
Prendre conscience de notre devoir de mémoire est un pas afin de redonner une vie, une image, un nom à tous ses êtres dont la vie a été effacée d’un revers de la main. « L’oubli signifierait danger et insulte. Oublier les morts serait les tuer une deuxième fois. Et si, les tueurs et leurs complices exceptés, nul n’est responsable de leur première mort, nous le sommes de la seconde » (Elie Wiesel, 1928-2016, La Nuit, préface éd.2007). Les maux de la plume sont toujours présent. Elle saigne encore abondamment, son encre n’a pas de couleur, n’aligne aucun mot sur la feuille immaculée. Elle pleure de ne pouvoir exprimer l’ineffable… Alors elle dépose, hésitante, pour qui veut la lire ; soyons vigilants, prenons garde...

L'entrée du camp, vue de l'intérieur. Une rose déposée en hommage aux victimes