Faucon crécerelle
Car il ne vole pas, il médite. Son vol n’est pas un mouvement, c’est une prière — une offrande de chair et d’air à l’infini. Il se tient au bord du vertige avec la pudeur d’un cœur fidèle. Chaque frémissement de ses ailes écrit dans le vent la phrase invisible de la liberté. Rien en lui n’est hasard : il est le dessin secret de la grâce, la pensée pure de la hauteur.
Puis vient la chute, fulgurante et belle comme un amour qui s’avoue. Tout s’efface : le temps, le vent, le ciel, il n’y a plus que le feu du mouvement, le cri du monde ouvert dans sa course.
Il tombe, et dans cette chute, il s’élève. C’est une chute vers la vérité, un baiser de la lumière à la terre. Et quand il remonte, le ciel paraît lavé, plus neuf, comme si le jour venait de naître de son élan.
Le faucon crécerelle est un rêve d’ombre et de flamme. Il porte dans son vol la solitude des hauteurs et la tendresse des profondeurs. Il connaît la fatigue du vent, la patience du vide, la fidélité de l’horizon. Il est le témoin du silence, le messager des choses simples : la poussière qui tourne, la chaleur d’une pierre, l’éclat d’un brin d’herbe sous le soleil.
Et quand il disparaît, rien ne meurt tout à fait. Il laisse derrière lui une trace d’or, un frisson suspendu dans l’air, comme si la beauté, une fois révélée, ne pouvait plus se taire. Alors, sans savoir pourquoi, on lève les yeux. On guette un point minuscule, là-bas, dans la lumière. Et dans ce geste si ancien, si humain, quelque chose en nous se redresse : le besoin d’espace, le désir d’élan, l’espérance obstinée que tout ce qui tombe peut encore s’élever.