Danemark, de Plouguerneau à Klintholm Havn

14 juillet 2021

Nous prenons la route pour le Danemark dans la matinée, décidés à « manger du kilomètre ». Avant de vraiment mettre le cap sur le nord, nous souhaitons réaliser une halte à Berteaucourt-lès-Thennes, en hommage à notre amie Danielle, disparue dans la discrétion d’une maladie qui a fini par l’emporter. Elle aimait profondément les fleurs ; c'est ainsi que nous lui apportons des hortensias, la veille de son anniversaire, comme un dernier salut empreint de tendresse.

Pour la soirée, nous gagnons les bords de la Somme, près de l’écluse de Sailly-le-Sec. Le lieu offre une parenthèse bucolique : une nature calme, préservée, où il fait bon flâner le long du chemin de halage. Picasso, pour qui ce voyage représente la toute première grande aventure hors de France, est ravi. Il goûte chaque instant, même s’il supporte mal de rester seul dans le fourgon le temps pour nous de vérifier que l’environnement est sans danger pour lui comme pour les autres. Une fois rassurés, nous pouvons enfin lui rendre un peu de la liberté dont il a tant besoin.

Eh oh, tu vas où  ?

La soirée s’étire paisiblement le long du canal, aménagé pour les péniches. Nos voisins ailés – grèbes huppés, cygnes, colverts, foulques macroules – évoluent en toute discrétion, comme s’ils veillaient à préserver la tranquillité du moment. Nous sommes enchantés par cette halte simple et douce, première étape d’un voyage que l’on devine déjà riche en émotions.


15–16 juillet 2021

Réveil aux aurores — enfin, aux aurores pour nous, donc pas si loin de l’heure où les oiseaux commencent à se demander s’ils doivent chanter. Nous préparons Jacqueline avec la ferme intention d’approcher le plus possible de notre destination finale. Tout le monde est à son poste : conducteur motivé, copilote caféiné, et passagers vaguement conscients. Et hop, en route !

Notre première nuit allemande se fera à Herzlake, charmante étape où nous avons surtout apprécié… le fait d’être enfin arrêtés. Le lendemain, nous repartons confiants, jusqu’à ce que Virginie, notre GPS au caractère bien trempé, décide qu’il fallait absolument nous envoyer au Danemark par Puttgarden. On ne sait pas si elle voulait nous faire prendre le ferry ou si elle rêvait secrètement de devenir capitaine, mais impossible de la raisonner.

Un voisin bien sympathique au camping ;) !

Résultat : direction Puttgarden, où nous dénichons une place au camping, avec un petit bonus de taille — la mer juste en face. Le vent marin, la vue dégagée… et Virginie qui, pour la première fois du voyage, se tait. Un miracle !

17-18 juillet 2021

Puttgarden étant une voie sans issue — à moins d’embarquer illico sur le ferry comme de véritables flibustiers — nous n’avons d’autre choix que de faire demi-tour pour gagner le Danemark par la voie "classique". Nous passons donc la frontière à Flensburg, le sourire aux lèvres et le coffre toujours aussi mal rangé, puis filons vers la Fionie pour une étape à Kerteminde.

Après une visite éclair du port, nous décidons d’aller chercher un peu plus de tranquillité à Måle. Baignade dans la Baltique : rafraîchissante pour les optimistes, glaciale pour les honnêtes, non, en réalité, excellente. Puis, face à la difficulté de trouver une place où garer Jacqueline, notre fidèle monture à quatre roues, pour plus de dix minutes sans culpabiliser, nous prenons le cap vers le nord !

Nous arrivons ainsi à Fyns Hoved, la fameuse “Tête de Fionie”. Habitée depuis la préhistoire, la péninsule est aujourd’hui une zone Natura 2000… ce qui explique que même les oiseaux ont l’air plus calmes et plus polis qu’ailleurs. Nous garons Jacqueline sur les hauteurs, prêts pour une petite balade. Picasso, lui, est à la laisse. Une longue laisse. Très longue. Le genre de laisse où l’on croit tenir son chien… jusqu’à ce qu’on découvre que c’est une illusion.

Arrivés sur le promontoire, tandis que nous admirons les environs et que je suis persuadé de maîtriser la situation, Monsieur Picasso décide soudain de vivre sa meilleure vie : il file droit devant, entame la descente des marches qui mènent à la mer, une centaine de marches, rien que ça, peut-être moins, et nous voilà lancés à sa poursuite. Imaginez la scène : nous courant comme des dératés, appelant notre chien, sous les regards d’abord incrédules puis franchement amusés des Danois. Un grand moment de solitude… partagé, au moins.

Une fois notre garnement récupéré, nous reprenons notre souffle et partons pour une magnifique balade jusqu’au bout du bout du bout de la péninsule. Et cette fois, Picasso nous accompagne tranquille, pissette après pissette !

Les promenades s’imposent naturellement ici : impossible de résister à l’appel du grand air, du soleil et du vent qui décoiffe même les plus résistants. Nous partons donc en direction de Korshavn Lystbådebro, histoire de profiter de la matinée dans ce petit port charmant où les bateaux semblent poser pour une carte postale.

Sur place, surprise ornithologique : nous avons la joie d’apercevoir des grands gravelots. Leur statut de conservation est classé en “préoccupation mineure”, ce qui, dans le langage des oiseaux, signifie quelque chose comme : “ça va… mais pas trop longtemps si on continue à faire n’importe quoi”. Bref, une belle rencontre, et un moment où l’on se dit qu’on devrait peut-être ouvrir un club d’observation d’oiseaux, même si on confond encore parfois les canards.

Après une bonne sieste — obligatoire, réglementaire et parfaitement assumée — nous reprenons la poudre d’escampette pour faire le tour complet de la péninsule de Fyns Hoved. Une balade magnifique, dignes d’un documentaire nature… avec Picasso en version “édition spéciale”.

Zone Natura 2000 oblige : l’artiste est en laisse. Une grande, mais une laisse quand même. Cela ne nous empêche pas de profiter du paysage, de nous tremper les pieds (ou les chaussures, selon la coordination de chacun), et surtout d’admirer Picasso qui, malgré sa retenue forcée, trouve le moyen de se baigner avec l’enthousiasme d’un chiot découvrant l’eau pour la première fois.

   En résumé : du soleil, du vent, des oiseaux rares, des humains heureux… et un chien trempé. Une excellente journée.

19 juillet 2021

Fyns Hoved est un endroit tellement agréable que même notre sens du devoir touristique vacille. On retarde le départ, on négocie avec nous-mêmes, on regarde le ciel en espérant un signe… Mais non : à un moment, il faut y aller. Alors, bravement, nous quittons ce petit paradis — en traînant un peu les pieds, évidemment.

Sur la route, nous enchaînons les zigzags volontaires, histoire de rallonger le plaisir : direction Stubberup Kirke – Martofte, puis Hverringe – Måle. À chaque virage, on a l’impression d’avoir franchi un portail vers un monde parallèle où tout semble simple, calme, rangé… même les oiseaux respectent les limitations de vitesse. Un concept révolutionnaire.

Hverringe

Mais après avoir bien profité de cette bulle enchantée, il faut se résoudre à reprendre la route pour de vrai. Cap sur Sjælland et plus précisément Roskilde, que nous avons choisi comme prochaine étape — parce qu’à un moment, il faut bien varier les plaisirs. Roskilde est l’une des plus anciennes et importantes villes du Danemark. Ancienne capitale du royaume, elle est aujourd’hui surtout connue pour deux choses : son héritage historique et son festival de musique mondialement célèbre.

Le joyau de la ville est sans conteste la cathédrale de Roskilde, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ce chef-d’œuvre gothique en briques rouges abrite la nécropole royale où reposent de nombreux rois et reines du Danemark, dont Frédéric VIII et Louise. Une plongée dans plus de 1000 ans d’histoire ! Une visite solennelle, fascinante… et un peu rafraîchissante aussi, parce que les cathédrales, c’est très beau, mais surtout très ... climatisé. Parfait pour garder l’esprit clair après une journée de routes et de détours assumés.

20–21 juillet 2021

Nous quittons Roskilde en direction de l’île de Møn. Cette île du sud de Sjælland figurait depuis longtemps sur notre liste des visites à ne pas manquer, grâce aux recommandations enthousiastes de Tina, une amie danoise installée dans notre petit village breton. La route qui y mène nous fait traverser des paysages tantôt surprenants, tantôt majestueux, comme seule la campagne danoise sait en offrir.

À mi-chemin, une halte s’impose à Faxe pour apercevoir ses impressionnantes carrières de calcaire et, surtout, pour découvrir l’usine de bonbons Haribo. C’est beau, la vie ! Malheureusement, la visite n’aura pas lieu : l’usine est fermée. Un café avalé en terrasse et nous reprenons la route, direction le sud de Møn.

La chance nous sourit à notre arrivée : une place se libère, coincée entre deux véhicules sur un parking sablonneux en bord de mer. Jacqueline s’y glisse sans la moindre difficulté. En soirée, l’endroit se vide un peu, nous offrant un espace bien plus confortable. Klintholm Havn se révèle être une station balnéaire pleine de charme, à la fois paisible et accueillante. Nous découvrons que l’on peut se doucher au port comme de véritables marins en escale… Le seul secret est de connaître le code d’accès, soigneusement inscrit sur la porte !

Un premier tour le long de la plage nous ravit : la chaleur est douce, l’air chargé d’embruns, et les couleurs du soir subliment le paysage. Nous prolongeons le plaisir par une baignade dans une eau vivifiante, presque revigorante. 

Une vue depuis notre bivouac

Møn est une île aux mille visages, un véritable patchwork de paysages où chaque recoin semble chuchoter une histoire ancienne. Tour à tour vallonnée, boisée, pastorale ou sauvage, elle offre ce charme discret qui donne l’impression de découvrir un secret bien gardé.

Ce qui nous y a attirés avant tout, ce sont les célèbres falaises de craie, les Møns Klint, majestueuses sentinelles blanches dominant la côte est. Leur silhouette se découpe nettement sur le bleu profond de la mer Baltique, comme si la nature avait pris un malin plaisir à juxtaposer ces contrastes saisissants.

Le lendemain matin, un sac sur le dos et l’enthousiasme en bandoulière, nous partons pour une longue balade. Le sentier serpente d’abord sous une forêt dense, où les arbres forment une voûte protectrice filtrant les rayons du soleil. Puis, peu à peu, la lumière change, s’intensifie, et le paysage s’ouvre brusquement : les falaises apparaissent, immenses, sculptées par des millions d’années de vents, de vagues et d’éboulements successifs.

Nous avançons émerveillés. À chaque belvédère, une nouvelle perspective s’offre à nous : la craie d’un blanc presque irréel, l’eau turquoise au pied des parois, les ombres mouvantes des nuages glissant sur la mer. Les marches qui mènent au rivage semblent interminables, mais en bas, le spectacle en vaut la peine : la plage, jonchée de silex noirs, résonne sous nos pas, et les falaises, vues d’en bas, paraissent encore plus imposantes, presque vivantes.

Cette demi-journée se transforme en véritable parenthèse enchantée, un moment suspendu où le temps semble ralentir face à la beauté brute de ces géants de craie. Le soir, nous allons flâner sur les quais. L’atmosphère est tranquille, les pêcheurs rangent leur matériel, et quelques passants profitent comme nous de la douceur du crépuscule. On se laisse porter par le rythme lent du port et par les reflets du soleil couchant sur l’eau.

Récapitulatif des nuitées

14 juillet 2021 : Sailly-le-Sec
15 juillet 2021 : Herzlake (Allemagne)
16 juillet 2021 : Puttgarden - camping (Allemagne)
17 juillet 2021 : Kerteminde, Fyns Hoved - 2030 kilomètres
18 juillet 2021 : Kerteminde, Fyns Hoved - 2030 kilomètres
19 juillet 2021 : Roskilde - 2189 kilomètres
20 juillet 2021 : Klintholm Havn - 2333 kilomètres
21 juillet 2021 : Klintholm Havn - 2333 kilomètres

Et la suite ! : 

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