Danemark, de Klintholm Havn à Thisted

22 juillet 2021

Nyord Sogn est notre dernière halte sur l’île de Møn, et nous décidons d’en savourer chaque minute. Dès notre arrivée, le silence et la douceur du lieu nous enveloppent. La petite église, Nyord Kirke, se dresse avec sa simplicité nordique, immobile face au vent. Son intérieur, empreint d’une lumière douce, invite au recueillement. Autour, les prairies s’étendent, parsemées d’oiseaux dont les silhouettes glissent au-dessus du paysage.

Le village de pêcheurs nous accueille ensuite avec ses ruelles tranquilles, ses maisons aux façades claires et ses barques qui reposent, comme si le temps avait ralenti pour elles aussi. Chaque pas nous rapproche un peu plus de la vie locale, discrète mais chaleureuse, profondément attachée à la mer et à la nature environnante. Ici, le silence n’est jamais vide : il est rempli du souffle du vent, du cri lointain des oiseaux, de la présence tranquille de l’eau.

Après cette immersion, la journée s’étire doucement vers sa fin. Nous reprenons la route et choisissons de nous arrêter à mi-chemin entre mer et forêt, là où le paysage semble hésiter entre deux mondes. C’est sur Kristians Holmes Vej que nous trouvons notre refuge du soir : une longue plage au sable clair, ouverte sur un horizon calme. L’air y est frais, chargé de sel et de résine, mêlant les parfums marins à ceux de la forêt toute proche.

23 juillet 2021

Ce matin, nous avançons lentement sur le sentier forestier qui longe la plage. Le murmure régulier des vagues accompagne nos pensées, et la lumière douce du jour naissant éveille nos sens. Tout semble s’adoucir : les contours du rivage, le mouvement de l’eau, jusqu’au passage du temps lui-même. C’est un de ces lieux où l’on respire mieux, où l’on se laisse simplement être, porté par la tranquillité du moment.

Après avoir repris la route, nous arrivons à Jelling qui n’est pas seulement un village paisible du Jutland. C’est un véritable pivot de l’histoire danoise. Au Xe siècle, il devint le centre du pouvoir royal sous le règne de Gorm le Vieux puis de son fils Harald à la Dent Bleue. Aujourd’hui, le site est reconnu par l’UNESCO pour son importance exceptionnelle dans l’émergence du royaume danois.

Le paysage de Jelling est marqué par deux immenses tumulus funéraires, les pierres runiques royales et une église blanche qui s’élève au milieu de ces vestiges. Ces éléments forment un ensemble unique où s’entremêlent traditions païennes, symboles politiques et affirmation du christianisme. Autour du site, les traces d’une vaste palissade autrefois monumentale témoignent de l’organisation rigoureuse du pouvoir royal.


Jelling est ainsi considéré comme le berceau spirituel, politique et culturel du Danemark : un lieu où l’on voit clairement se dessiner la transition d’un monde ancien vers la naissance d’un royaume unifié. Harald à la Dent Bleue fit tailler une pierre runique vers 965. Elle raconte une époque où le pays passait d’une société tribale à un royaume chrétien. Ici, Harald écrit qu’il est le roi de toutes les terres et qu’il a fait des Danois un peuple chrétien. Nous l’appelons le certificat de naissance du Danemark.

Sur la pierre de Gorm, le nom Danemark apparaît pour la première fois à l'intérieur du pays.
La pierre a été érigée vers 950 par Gorm le Vieux en mémoire de sa femme Thyra.

Notre visite terminée, nous reprenons la route vers Aarhus, où nous passerons la nuit au camping, impatients de découvrir ce que la suite du voyage nous réserve.

24 juillet 2021

La matinée se déroule sous le signe de la farniente, rythmée par un départ imposé avant midi. Le camping affiche complet pour la journée ; la veille encore, nous avions eu la chance d’obtenir la toute dernière place disponible. Chacun profite donc des dernières heures sur les lieux. Tandis qu’une partie de l’équipe s’aventure pour une balade matinale se risquant à une baignade "presque danoise ", revigorante et ensoleillée, l'autre vaque aux occupations traditionnelles de la vie d'équipe. Le temps est radieux, sans un nuage à l’horizon, et l’ambiance paisible. Mais l’heure tourne, et il nous faut finalement rassembler nos affaires et quitter le camping. Nous prenons alors la direction du port, point de départ idéal pour partir à la découverte d’Aarhus.

A présent nous faisons très attention pour traverser !

Aarhus, souvent surnommée « la plus petite grande ville du monde », est la deuxième ville du Danemark. Nichée sur la côte est du Jutland, elle marie avec élégance la modernité scandinave à un charme historique préservé. Dès notre arrivée, nous sommes frappés par l’atmosphère chaleureuse et décontractée qui y règne. Jeunes, créatifs et cosmopolites, les habitants insufflent une énergie vibrante à chaque rue. Cafés animés, galeries d’art, salles de concert, quartiers historiques et vastes espaces verts se succèdent, composant un cadre de vie harmonieux où il fait bon se perdre, flâner ou simplement observer.

L’un des grands atouts d’Aarhus réside dans sa proximité immédiate avec la nature. Ici, la ville semble dialoguer avec son environnement : forêts ombragées, plages de sable fin et sentiers côtiers se trouvent à quelques minutes seulement du centre. Cette symbiose entre urbanité et nature reflète parfaitement l’esprit danois, tourné vers le bien-être, l’équilibre et une forme de douceur de vivre durable.

À la fois intime et moderne, énergique et apaisante, Aarhus enveloppe le visiteur d’un sentiment de familiarité presque immédiat. C’est une ville qui se découvre avec curiosité, se vit avec simplicité et se quitte toujours avec l’envie d’y revenir.

25 juillet 2021

Nous nous rendons à Ebeltoft une charmante petite ville côtière, réputée pour son ambiance paisible et son élégance intemporelle. En déambulant dans ses ruelles pavées bordées de maisons à colombages colorées, et de roses trémières, on a l’impression de remonter le temps. Notre tout première visite se réalise dans la plus petite mairie du monde. En s'y prenant un peu à l'avance, il est possible de s'y marier ou de s'y remarier si nous le sommes déjà ! 

Le port, animé mais jamais bruyant, offre une vue magnifique sur la baie, tandis que la grande plage attire les amateurs de baignade et de promenade. Dans le fond du port, dort un bateau-phare, le Skagens Rev Fyrskib. L'attraction principale tourne autour du majestueux Fregatten Jylland. Il s'agit d'un des plus grands navires en bois du monde. Il domine fièrement le front de mer. Ebeltoft, avec sa douceur de vivre, ses petites boutiques artisanales et son atmosphère presque méditerranéenne, est un véritable joyau du Danemark.

Pour le déjeuner, nous gagnons une petite place bondée, étonnamment pleine de vie malgré la fraîcheur piquante de la matinée. Attirés par une délicieuse odeur de friture, nous savourons un excellent fish and chips servi à l’ancienne, bien au chaud dans un cornet de papier journal. Un vrai régal, simple et authentique, comme on les aime lors de nos escapades.

Mais le Danemark regorge encore de trésors à découvrir, et nous reprenons bientôt la route, le regard déjà tourné vers de nouveaux horizons. Avant de poursuivre jusqu’à Randers, paisiblement lovée sur les rives de la Gudenå, nous faisons une halte à Hornslet, charmante bourgade qui apparaît comme une pause bienvenue. Cette petite escale, imprévue mais plaisante, nous offre un aperçu authentique de la vie locale danoise, loin des grands circuits touristiques.

Château de Rosenholm, Hornslet

Randers, l’une des plus anciennes du pays, possède un centre historique compact où se mêlent harmonieusement bâtiments d’époque, places animées et zones commerçantes modernes. L’atmosphère y est à la fois chaleureuse et dynamique.

Randers est notamment fière de son parc animalier tropical, Randers Regnskov, une curiosité unique en Europe. On y évolue sous plusieurs dômes recréant différents environnements exotiques : chaleur moite, végétation luxuriante, cris d’oiseaux… Une véritable immersion en pleine jungle, en plein cœur du Danemark, qui dépayse instantanément.

La ville se distingue également par une autre particularité, et non des moindres : son brasseur local, Thór, a mis en place un réseau de pipelines distribuant directement la bière dans une vingtaine de pubs du centre. Une initiative pour le moins singulière qui garantit aux habitants comme aux visiteurs de ne jamais mourir de soif… du moins tant que la source ne se tarit pas !


26 juillet 2021

La journée s’écoule doucement, rythmée par de petites balades et par la découverte du parc animalier de Randers Regnskov. Ce lieu étonnant nous plonge dans un univers presque irréel : dôme tropical, végétation luxuriante, animaux en liberté… Une immersion totale qui nous donne l’impression de voyager bien plus loin que le Danemark.

Mariager, petit joyau niché au bord du fjord éponyme, offre un charme délicieusement intemporel. En arrivant, on découvre d’abord la gare historique, dont les bâtiments aux allures d’antan semblent figés dans une autre époque. Les anciens wagons et la voie ferrée, aujourd’hui utilisés par un train touristique, rappellent le temps où Mariager était un point de passage animé. L’odeur du bois, le grincement des roues et le sifflement de la locomotive ajoutent à cette ambiance rétro qui séduit instantanément.

En descendant vers le port, l’atmosphère change subtilement. Le fjord s’ouvre devant nous, calme, d’un bleu profond. Les petits bateaux de plaisance, les voiliers et les quais en bois composent un décor paisible où l’on prend plaisir à flâner. Le port est un lieu vivant mais reposant, où l’on croise pêcheurs, familles en promenade et voyageurs curieux.

Entre la douceur du fjord, la tranquillité du port et le charme nostalgique de sa gare, Mariager se dévoile comme une ville pleine de caractère, où le temps semble s’écouler un peu plus lentement. Une étape idéale pour savourer l’authenticité danoise dans ce qu'elle a de plus chaleureux.

Pour rejoindre Skagen, nous embarquons sur le bac à Hals. Pendant la traversée, Picasso s’improvise conducteur, apportant à la scène une touche aussi légère qu’amusante. Très concentré, il observe attentivement tout autour de lui, comme pour s’assurer que nous avançons dans la bonne direction… tout cela, bien sûr, sans toucher à quoi que ce soit.

Nous nous mettons ensuite en quête d’un endroit pour passer la nuit, et c’est tout naturellement que nous nous dirigeons vers la mer. Nous finissons par nous installer sur la plage d’Ølandsvej, dont nous apprendrons plus tard qu’il s’agit en fait de la plage naturiste de Hals. Une promenade au bord de mer s’impose, suivie d’une douche glacée dans les installations prévues à cet effet : un moment revigorant qui clôt parfaitement cette journée paisible.



27 juillet 2021

Dans la matinée, nous faisons la connaissance d’un couple de Danois, charmants et curieux, qui semblent particulièrement sensibles à notre manière de voyager. Ils apprécient le fait que nous respections scrupuleusement la signalétique : pas de stationnement sur la dune ni trop près de la plage, mais un emplacement discret juste en contrebas du parking, face aux douches et hors du champ de vision des habitations. Nous leur offrons un café, qu’ils déclinent poliment — ils viennent tout juste d’en boire un — et la conversation s’engage naturellement. Nous parlons de tout et de rien, pendant près d’une heure, essayant de répondre du mieux possible à leurs questions sur la gestion du Covid en France. Leur réaction, mêlant étonnement et incompréhension, nous laisse deviner à quel point les Danois ont été effarés par la situation telle qu’ils l’ont perçue.

Nous reprenons ensuite la route en direction de Skagen. À l’extrémité septentrionale du Danemark, la ville semble flotter entre deux mers, comme un paysage tenu en équilibre entre ciel, sable et embruns. Sur cette avancée fragile, façonnée par le vent, les phares dressent leurs silhouettes élancées, gardiens intemporels des marins et témoins d’une histoire maritime tourmentée.

Det Hvide Fyr

À la sortie du village, se dresse le phare blanc (Det Hvide Fyr), construit en 1747. Cette tour hexagonale de brique, équipée d’un miroir parabolique, fut d’abord alimentée au charbon jusqu’en 1838, avant que l’huile de colza ne prenne le relais. Plus loin, le phare gris de Skagen (Det Grå Fyr), imposant et majestueux, veille depuis 1858 sur la rencontre tourbillonnante de la mer du Nord et de la mer Baltique. Successeur du phare blanc, il domine ce paysage rude où chaque tempête a laissé son empreinte. Ces phares ne sont pas que des repères : ils racontent aussi l’histoire des navigateurs, des naufrages, mais également celle des artistes séduits par la lumière unique de Skagen. 

Det Grå Fyr

À leurs pieds s’étire l’une des plus longues plages du pays : une bande infinie de sable blond, balayée par le vent, où le regard se perd sans fin. Marcher sur cette plage est une évidence. Nous décidons de rejoindre Grenen, le bout du Danemark, là où les deux mers se rencontrent. À peine deux kilomètres de balade… En nous retournant pour vérifier que tout le monde suivait, se dévoile soudain de gigantesques nuages noirs fonçant droit sur nous ! Nous nous mettons à courir pour trouver un abri, d’abord derrière un blockhaus, puis, la pluie redoublant, dans les toilettes du parking — un refuge improvisé mais drôlement efficace.

Nous attendons que l’orage passe, puis nous montons à bord du tracteur-bus qui mène les visiteurs jusqu’à la pointe. Une arrivée un peu épique, mais qui ajoute au charme du lieu. Skagen, avec ses phares et ses longues étendues de sable, possède quelque chose de mystique. Un endroit où la nature impose sa loi, où l’espace et la lumière semblent dilater le temps. On comprend aisément pourquoi voyageurs et artistes reviennent, encore et encore, chercher ici un fragment d’éternité.

A gauche la mer du Nord, à droite la mer Baltique

Après nos pérégrinations, nous retrouvons Jacqueline et filons passer la nuit sur le parking de la salle de sport. Pour l’occasion, le bâtiment sert de centre de vaccination contre le Covid, ouvert sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! Nous trouvons finalement une place un peu plus loin, au calme. Une nuit atypique pour conclure une journée bien remplie.

28 juillet 2021

Ce matin, nous partons à la découverte du phare de Rubjerg Knude (Rubjerg Knude Fyr), situé sur la commune de Hjørring. Construit en 1899, ce phare emblématique a veillé sur la côte danoise pendant près de sept décennies avant d’être mis hors service le 1er août 1968. Au fil des années, l’avancée inexorable du sable et l’érosion des falaises ont profondément modifié le paysage. Les anciens bâtiments destinés au personnel ont été transformés en musée, mais celui-ci a dû fermer lorsque les dunes ont commencé à les engloutir. Selon les prévisions, la pression du sable et le recul du littoral devaient entraîner la chute du phare dans la mer aux alentours de 2023.

Cependant, l’édifice étant devenu une attraction touristique majeure, la commune a décidé en 2018 de lancer un projet audacieux : déplacer le phare vers l’intérieur des terres afin de le sauver. En octobre 2019, le bâtiment, pesant plusieurs centaines de tonnes, a ainsi été déplacé de 70 mètres en seulement 4 heures et demie — une prouesse technique saluée dans tout le pays.

Depuis le haut du Rubjerg Knude Fyr

Le soir venu, alors que nous faisons étape à Thisted, nous rencontrons un jeune couple de Français partis à l’aventure à travers toute la Scandinavie. Ils doivent embarquer le lendemain depuis Hirtshals et profitent, comme nous, d’une dernière soirée tranquille avant la suite de leur périple. Nous passons un long moment à discuter autour de nos expériences respectives, à partager conseils, anecdotes et impressions de voyage. Une parenthèse chaleureuse et spontanée, qui donne à cette escale une saveur particulière. Puis, lorsque la fatigue commence à se faire sentir, nous éteignons tout et laissons la nuit retomber, paisible et enveloppante.

Récapitulatif des nuitées :


22 juillet 2021 : Kristians Holmes Vej - 2491 kilomètres
23 juillet 2021 : Aarhus (camping) - 2798 kilomètres
24 juillet 2021 : Aarhus - 2808 kilomètres
25 juillet 2021 : Randers - 2969 kilomètres
26 juillet 2021 : Ølandsvej-Hals - 3071 kilomètres
27 juillet 2021 : Horsnab - 3215 kilomètres
28 juillet 2021 : Thisted - 2333 kilomètres

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