Danemark, de Ballum à Plouguerneau

04 août 2021

Nous quittons le Danemark pour suivre un petit jeu de piste censé nous mener jusqu’à l’île de Sylt. Sur le papier, l’itinéraire semble clair ; en réalité, nous n’avons pas remarqué que le tracé préparé par Virginie, notre fidèle GPS, emprunte… une voie ferrée. C’est en effet l’unique accès terrestre pour rejoindre l’île !

Nous voilà donc en train de chercher, au milieu de la campagne verdoyante de Klanxbüll, une route qui n’existe tout simplement pas. Pas un chat aux alentours pour nous éclairer, seulement le vent et les champs à perte de vue. Après avoir tourné un bon moment et rassemblé nos neurones, nous finissons par comprendre : il faut prendre l’autorail. Après le déjeuner, nous mettons le cap sur la gare de Klanxbüll !

Photo : syltshuttle.de

Sauf qu’une fois sur place, nouveau rebondissement : pour embarquer tranquillement avec Jacqueline, il faut en réalité se rendre à Niebüll. Nous reprenons donc la route vers cette seconde gare. Le tarif pique un peu, et pour réaliser l’aller-retour le jour même, c’est déjà trop tard. L’univers semble clairement nous dire : "Pas aujourd’hui, les amis." Nous capitulons donc dignement et repoussons la visite de Sylt à des jours plus cléments. Par conséquent, nous poursuivons notre route vers le sud.

Encore fallait-il choisir la bonne direction… En repartant, nous tournons instinctivement à gauche au lieu de prendre à droite. Résultat : nous revoilà au Danemark sans même nous en rendre compte ! Cette fois, la police danoise nous arrête et, pour la première fois de notre séjour, on nous demande nos attestations Covid. Nous les présentons sans problème, puis faisons demi-tour sous le regard perplexe – sans doute un peu amusé – du policier qui nous voit repartir exactement d’où nous venions. Il y a des jours où l’on ferait mieux de rester couchés… mais ça fait de bonnes histoires !

Finalement, nous atteignons Reußenköge en début de soirée. Nous trouvons un petit coin tranquille, juste à la limite de la réserve naturelle. L’endroit est parfait pour se poser, se dégourdir les jambes, s’offrir une vraie balade et savourer un repos plus que mérité après cette journée pleine de détours et d’imprévus.

05 août 2021

Aujourd’hui, c’est journée de transit à travers la paisible campagne allemande. Comme à notre habitude, nous contournons soigneusement les grandes villes : pas de bouchons, pas de stress, juste nous, la route et Virginie, notre GPS, que nous surveillons de près après ses frasques de la veille. Le plan du jour est simple : traverser l’Elbe à Glückstadt, au nord-ouest de Hambourg, et offrir par la même occasion une troisième leçon de conduite à Picasso. Le pauvre n’a rien demandé, mais il semble résigné à devenir un champion des traversées en ferry.

Notre objectif est de longer la côte autant que possible, ou du moins de ne jamais nous en éloigner trop, histoire de profiter au maximum de l’air marin. La route se déroule tranquillement et nous passons finalement la frontière avec les Pays-Bas à Bad Nieuweschans. Notre application de bivouac nous mène ensuite à Oude Pekela, un petit coin tranquille où nous décidons de nous poser pour la nuit. Une étape simple, sans rebondissements… et franchement, après les aventures récentes, ça ne fait pas de mal !

06 et 07 août 2021

Notre ambition est de découvrir Amsterdam en y arrivant par le nord. Nous avons donc choisi de traverser Kornwerderzand afin d’emprunter la spectaculaire route qui coupe le IJsselmeer, ce vaste lac artificiel qui donne l’impression de rouler entre ciel et eau. De là, nous avons filé vers le sud par l’A7 en direction d’Amsterdam.

Nous sommes arrivés en ville à une heure déjà avancée, un peu fatigués mais enthousiastes, et avons eu la chance de trouver une place à Kadijksplein, en plein centre. Un ticket de stationnement en poche, nous sommes aussitôt décidés de partir à l’aventure, au hasard des canaux hollandais.

La ville nous est apparue belle, vivante, vibrante, presque dansante, avec ses façades penchées et ses reflets mouvants. Les cyclistes, omniprésents et parfois imprévisibles, nous ont offert quelques frayeurs, mais cela semble faire partie intégrante du charme d’Amsterdam : une énergie continue, en mouvement.

Nous avions l’envie profonde de visiter la Maison Anne Frank, mais notre spontanéité s’est heurtée à la réalité moderne : sans réservation, pas de visite. Nous avons dû nous rendre à l’évidence. Dans un monde où tout semble devoir être anticipé, organisé, validé en ligne, il n’est pas toujours simple de voyager au gré de l’inspiration. Cela génère parfois de petites frustrations… mais ce sont aussi elles qui rappellent la beauté de l’imprévu.

Rien cependant n’a entamé notre plaisir de flâner au bord de l’eau, un cappuccino ou une bière à la main, en savourant simplement l’atmosphère unique d’Amsterdam et la douceur de ses canaux.

Nous quittons la "Venise du Nord" encore imprégnés de ses reflets, de ses ponts et de son atmosphère vibrante. La route s’ouvre devant nous comme une invitation à la lenteur, et bientôt apparaît Nieuwer Ter Aa, un petit village posé au bord de l’eau, presque comme une parenthèse dans le paysage. Trente kilomètres seulement nous séparent de l’agitation de la place du Dam, mais déjà tout semble plus calme, plus doux. Le camping où nous nous installons pour deux nuits respire la tranquillité : quelques arbres, le murmure des canaux, et ce sentiment délicieux de faire une pause.

Le lendemain, l’envie de flâner nous entraîne le long des chemins. Nous savourons le silence, troublé seulement par le bruissement du vent dans les roseaux. C’est alors qu’un agriculteur surgit, visiblement contrarié. Il nous explique, d’un ton sec, qu’il est interdit de marcher au bord des champs pour accéder aux canaux. Ici, les canaux ne sont pas accessibles au public et sont considérés comme des propriétés privées. Nous tentons un sourire, des excuses, un mot aimable… Rien n’y fait. L’homme demeure fermé comme une porte mal huilée. Plus tard, nous découvrirons qu’il nourrit depuis longtemps une répulsion tenace pour les touristes, même si son village, avec ses 1 200 habitants, n’a rien d’un lieu envahi ou transformé par les visiteurs.

L’incident glisse finalement sur notre journée comme la pluie sur une feuille, pas de quoi entamer notre bonne disposition. Nous reprenons notre exploration, un peu plus attentifs aux panneaux, et suivons les canaux depuis la route, là où personne ne peut nous chasser. Le village, lui, continue de nous offrir sa douceur : les petits ponts, les maisons sages, eau calme où se reflètent les nuages, odeur de terre humide.

Puis vient la promenade dans la nature environnante. Là, tout change. Les champs s’ouvrent comme un amphithéâtre silencieux, et l’ornithologie locale se donne en spectacle : hérons majestueux perchés dans l’attente, grande aigrette très grande, foulques nerveuses, canards bavards, famille de cygnes très soudée, rapaces décrivant de larges cercles dans le ciel pâle. Chaque pas devient une découverte, chaque bruit un signe de vie. Nous nous surprenons à marcher plus lentement encore, comme pour prolonger la magie. On se croirait presque dans un documentaire animalier, sans la voix grave du narrateur.

Ces deux nuits à Nieuwer Ter Aa auront finalement le goût simple mais précieux d’un moment suspendu, entre surprise, sérénité et nature sauvage.

08 août 2021

Nous franchissons une nouvelle frontière près de Hazeldonk, laissant derrière nous les paysages familiers pour entrer en Belgique. Le pays nous accueille sous un soleil timide, comme s’il hésitait encore à se montrer. La route se déroule paisiblement jusqu’à la banlieue sud de Bruxelles, à Drogenbos, où nous avons rendez-vous pour une journée un peu particulière : une journée du souvenir, chargée d’émotion et de nostalgie, chez une amie que nous n’avions pas revue depuis près de quarante ans.

En arrivant, la magie opère immédiatement. Les visages ont changé, bien sûr, mais les regards, eux, se reconnaissent instantanément. Les retrouvailles se déroulent avec une simplicité désarmante, comme si nous nous étions quittés la veille. Les conversations reprennent leur cours naturel, les souvenirs refont surface, les années s’effacent presque d’un seul coup.

Le reste de la journée appartient à ceux qui l’ont vécue. Disons simplement qu’elle fut douce, intense, pleine de ce mélange unique que seuls les vrais retours peuvent offrir.

09 août 2021

L’envie d’une dernière escapade avant de rentrer pour de bon nous titille. Nous prenons la direction de la baie de Somme, avec en ligne de mire deux étapes incontournables : Saint-Valery-sur-Somme et, juste en face, Le Crotoy. Il serait inutile de prétendre le contraire : notre venue est clairement motivée par l’espoir d’apercevoir les célèbres phoques de la baie.

Le Crotoy

À Saint-Valery-sur-Somme, la visite commence avec quelques scènes inattendues, comme cette superbe 2CV qui se faufile sans scrupules littéralement sur une zone d’interdiction de stationner. Ni vu ni connu… ou presque ! Plus sérieusement, la ville déborde de monde. Tous semblent converger vers les quais. La marée monte, l’air devient électrique, et nous nous demandons ce qui peut bien attirer autant de curieux. Un retour de pêche ? Un événement local ?


Rien de tout cela : un phoque gris remonte tranquillement le courant, star du jour, déclenchant une nuée d’exclamations et d’appareils photo. Impossible de ne pas se laisser attendrir par cette apparition.

Après ce spectacle improvisé, nous traversons la baie pour rejoindre Le Crotoy. Une balade vivifiante sur les dunes nous permet de souffler un peu, de profiter du vent salé et des grands espaces. Puis, l’après-midi avançant, nous filons vers Cayeux-sur-Mer, décidés à y passer la nuit. Nous nous installons sur un parking près de la plage, bercés par le bruit des vagues.

Au cours d’une promenade au crépuscule, nos yeux se posent sur un banc de sable au loin : une colonie de phoques, immobiles, étendus comme des rois sur leur royaume de sable. Un petit bonheur simple, qui clôture parfaitement la journée. La nuit tombe, emportant avec elle les dernières lueurs. Nous décidons de revenir au petit matin, quand la lumière révélera à nouveau ce coin de nature préservé.

10 et 11 août 2021

Avant de reprendre la route et de laisser derrière nous la légèreté du voyage, nous retournons profiter de la colonie de phoques aperçue la veille. La plage de Cayeux-sur-Mer semble infinie ; les bancs de sable, découpés par la marée, étirent encore cette impression d’espace sans limites. À cette heure matinale, la plage nous appartient presque. Nous la partageons seulement avec nos discrets compagnons du moment : quelques phoques curieux et des spatules élégantes qui fouillent le rivage. Après un petit-déjeuner savouré en pleine nature, il sera temps de repartir, guidés uniquement par le hasard — ce même hasard qui, souvent, fait si bien les choses.

C’est ainsi que nous découvrons un petit village perché sur les falaises, fier de son phare : Ault, dans la Somme. Une première escale rafraîchissante, presque intemporelle. Nous suivons un instant le tracé du GR21, longeant la Côte d’Albâtre qui dévoile, tournant après tournant, un paysage changeant, parfois rude, toujours surprenant. Nous avançons lentement, volontairement même, savourant ce temps suspendu qui n’appartient qu’à nous et que nous nous offrons sans compter.

Notre campement du soir se pose à Sainte-Marie-au-Bosc, chez un couple d’agriculteurs affiliés à France Passion. L’accueil est chaleureux, simple et vrai, comme souvent lors de ces étapes rurales. Une discussion en entraîne une autre, et nous voilà dans leur petite boutique, repartant avec des yaourts d’une qualité exceptionnelle. Nous faisons aussi la connaissance d’un jeune couple qui expérimente la vie nomade dans un camping-car de location… équipé d’un pare-brise fissuré ! Malgré ce détail cocasse, leur découverte de la route est un succès, et il ne fait aucun doute qu’ils se lanceront bientôt à la recherche de leur propre véhicule — cette fois, intact.

Phare de Ault

Cette nuit-là sera la dernière de notre périple. Comme à chaque fin de voyage, l’envie de prolonger le moment nous tient éveillés. Nous tardons à nous coucher, savourant encore un peu cette sensation de liberté qui, au matin, commencera déjà à s’éloigner.

Récapitulatif des nuitées :

04 août 2021 : Reußenköge (Allemagne) - 4000 kilomètres 
05 août 2021 : Oude Pekela (Pays-Bas) - 4384 kilomètres 
06 août 2021 : Nieuwer Ter Aa (Pays-Bas) - 4701 kilomètres 
07 août 2021 : Nieuwer Ter Aa (Pays-Bas) - 4701 kilomètres 
08 août 2021 : Drogenbos (Belgique) - 4898 kilomètres 
09 août 2021 : Cayeux-sur-Mer - 5230 kilomètres 
10 août 2021 : Sainte Marie au Bosc - 5403 kilomètres 
11 août 2021 : Plouguerneau - 5906 kilomètres 

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