France, de Plouguerneau à Saint-Rome-de-Tarn
24 juillet 2020
Cette année, notre destination est… la France. Restrictions liées au Covid-19 obligent ! Le voyage que nous avions soigneusement prévu en Slovénie est repoussé à des jours meilleurs. C’est donc avec un mélange de résignation douce et d’excitation nouvelle que nous quittons notre Bretagne en milieu d’après-midi, en ce jour de fête nationale des “Cousins”. Il existe décidément une fête pour tout, et chacun y puise son prétexte à sourire… ou pas !
Nous traversons la Bretagne d’ouest en est, puis glissons vers le sud, à la recherche de son soleil à la réputation non usurpée paraît-il, même si, avouons-le, ici aussi la chaleur nous surprend, avec un inénarrable “15°C” (oui, c’est de l’humour breton, bien sûr !).
Notre première halte nous conduit à Bourgneuf-en-Retz, au Domaine des Priés, un viticulteur adhérent de France Passion. Une étape que nous connaissons bien, et qui garde ce charme particulier qui nous fait toujours revenir. S’installer pour la nuit au milieu des rangées de vignes procure cette sensation rare de liberté pure, presque sauvage. Il y flotte comme un parfum d’autrefois, celui des débuts du voyage nomade, lorsque les vans se faisaient encore discrets sur les routes et que chaque halte donnait l’impression d’être un petit secret partagé avec le paysage.
Ce soir, après un petite balade, bercés par le calme des ceps et la lumière dorée du couchant, nous retrouvons un peu de cette magie simple qui nous a fait aimer la route.
25 juillet 2020
Levés aux aurores des vacanciers pas impatients de reprendre la route, nous mettons le cap vers un Sud toujours plus au Sud. Le printemps breton, baigné d’une lumière inattendue et presque toscane, nous a fait patienter, mais le besoin de vraie chaleur et de longues journées dorées et de liberté se fait désormais sentir. Alors nous descendons encore, aussi loin que nous l’autorise le contexte et les restrictions du moment.
Notre étape du soir se déroule à La Brède, en Gironde, au cœur d’une nouvelle exploitation viticole adhérente au réseau France Passion. L’accueil y est sincère et généreux. Le père du propriétaire des domaines Château Méric et Château Chante-l’Oiseau nous consacre un moment privilégié : il partage avec nous sa passion intacte pour la vigne, son histoire et son savoir-faire. Nous avons même la chance de visiter le chai, véritable sanctuaire où les cuvées prennent leur temps, et où l’on comprend, en silence, tout ce que le vin doit à la patience des hommes.
Une halte simple, chaleureuse, et pleine de caractère, exactement ce que l’on espérait trouver sur cette route vers le Sud.
26 juillet 2020
Nous gagnons le Sud comme on entre dans un rêve longtemps caressé : une chaleur vibrante qui danse au-dessus des pierres, une lumière drue qui mord les paysages, et, quelque part tout près, l’éclat invisible mais certain de la Méditerranée. À mesure que nous avançons, le massif des Corbières s’ouvre devant nous, puissant et minéral, comme un vieux livre dont on tournerait les pages les unes après les autres. Notre halte du jour, le Château du Grand Caumont à Lézignan-Corbières, se dresse au milieu des vignes, silencieux sous le soleil à peine apaisé. C’est la troisième exploitation viticole en trois jours, la troisième également à porter les couleurs de France Passion — un hasard charmant, comme un clin d’œil du voyage.
À peine descendus, nous sommes accueillis par le grand chœur de l’été méridional : le chant infatigable des cigales, vibrant dans l’air comme un rideau sonore. Arrivés vers seize heures, nous prenons le temps de nous installer, puis, imaginant que la chaleur déclinante nous laisserait un peu de répit, nous nous aventurons en promenade en début de soirée.
C’était sans compter sur le cœur trop ardent et trop curieux de notre compagnon à quatre pattes, Picasso, pour qui cette escapade loin de la Bretagne est une grande première. Soudain frappé par la chaleur, il chancelle, vacille — et tout le paysage autour de nous perd, l’espace d’un instant, son insouciance estivale. Alors nous rebroussons chemin, presque en apnée, jusqu’à la petite rivière que nous avions traversée plus tôt. L’eau claire devient une bénédiction : il s’y rafraîchit, s’y apaise, et notre peur retombe lentement, comme la poussière soulevée sur un chemin de terre.
Très vite pourtant, la vie revient dans ses yeux, l’énergie dans ses pattes. Et lorsque le soir étend enfin sur les Corbières un voile violet, Picasso retrouve sa joie intacte. Il court entre les rangées de vignes, silhouette fauve bondissant dans la pénombre, tandis que les cigales, infatigables, poursuivent leur symphonie d’été.
Ainsi se termine notre première journée dans ce pays de chaleur et de pierre, sous un ciel qui, lentement, s’emplit d’étoiles.
27 et 28 juillet 2020
Hier, nous avons été chaleureusement accueillis au domaine par le maître de chai, qui nous a offert un premier aperçu du travail minutieux réalisé autour des vins du château. Aujourd’hui, c’est la propriétaire du Château du Grand Caumont à Lézignan-Corbières qui prend le relais pour nous guider. Grâce à elle, nous approfondissons notre compréhension du métier de viticulteur, découvrant les particularités du terroir des Corbières et saisissons le lien intime qui unit le domaine à ce paysage façonné par la vigne depuis des siècles.
Nous passons une grande partie de la matinée avec Laurence Rigal, qui partage avec nous son savoir-faire, son attachement au massif des Corbières et les défis auxquels les vignerons doivent faire face. C'est l’occasion d’échanger, de parcourir les lieux de vinification et de sentir combien le travail de la vigne est rythmé par la nature, la patience et la passion.
Après cette parenthèse viticole, nous prenons la route pour l’abbaye de Fontfroide, où nous resterons l' après-midi. Niché au creux d’un vallon préservé, ce monument exceptionnel, fondé au XIᵉ siècle, constitue l’un des plus grands ensembles cisterciens d’Europe. La visite nous permet d’explorer ses bâtiments majestueux, ses cloîtres d’une grande sérénité, son église aux lignes épurées ainsi que les espaces autrefois dédiés à la vie monastique. Nous avons également l’occasion d’admirer les jardins en terrasses et les roseraies, soigneusement entretenus et réputés pour leur richesse botanique.
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| Abbaye de Fontfroide |
Traverser ces lieux chargés d’histoire nous offre un véritable voyage dans le temps, au cœur de la spiritualité cistercienne et de l’art médiéval. Cette découverte, mêlant patrimoine, nature et contemplation, occupe l’ensemble de notre après-midi et vient parfaitement compléter notre journée.
Nous reprenons ensuite la route en direction de Bizanet, où nous passons la nuit. Nous installons notre bivouac à l’écart du village, en pleine nature, au cœur d’une pinède dont le parfum résineux embaume l’air du soir. Le site, paisible et légèrement en hauteur, offre un cadre idéal pour profiter d’un moment de tranquillité après la journée.
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| Château de Saint Martin des Toques (XIème siècle) |
Avant le dîner, nous partons pour une petite balade apéritive, l’occasion de découvrir les environs baignés par la lumière déclinante et d’apprécier le calme de la campagne. De retour au campement, un bon repas partagé dans cette atmosphère douce et conviviale vient clore la soirée.
La nuit s’annonce calme, fraîche et agréable, rythmée seulement par le murmure du vent dans les pins et les chants de la nature environnante, un véritable moment de détente loin du tumulte quotidien.
Aux premières lueurs du jour, Picasso fait la connaissance de nouvelles copines : les cigales ! Leur chant résonne déjà à travers la campagne, même si elles ne semblent pas toujours très sensibles à sa spontanéité. Pendant ce temps, le petit-déjeuner se prépare doucement, embaumant l’air frais du matin.
Une fois rassasiés, nous prenons la direction du village de Bizanet, situé en contrebas de notre campement. La balade, sous un soleil qui commence à prendre de la vigueur, nous révèle un lieu plein de charme. Nous tombons d’abord sur un ancien lavoir où des enfants s’amusent, leurs rires se mêlant au murmure de l’eau. Plus loin, nous découvrons l’église du village, Saint Pierre es Liens, fièrement surmontée d’un porche où sont gravés les mots : République Française – Liberté, Égalité, Fraternité. Cette inscription est très probablement dûe au transfert de propriété et au cadre laïque établi par la loi de 1905 : la devise républicaine a été apposée pour marquer que l’édifice appartient à la commune et s’inscrit dans la République laïque.
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| Photo : Jcb-caz-11 Wikimedia. Commons |
Séduits par la beauté et le calme du site, nous avons finalement décidé de rester une soirée supplémentaire nicher au cœur de la pinède. En fin d’après-midi, des gendarmes sont passés pour nous demander "si tout se déroulait comme nous le souhaitions et nous rappeler l’interdiction d’utiliser un barbecue dans ce secteur sensible". Comme nous savions que nous traversions une région particulièrement exposée aux risques d’incendie, nous avions déjà anticipé la situation et décidé de ne pas emporter de barbecue.
Leur visite n’a donc fait que confirmer la prudence que nous avions adoptée dès le départ.
29–30 juillet 2020
Nous reprenons la route à l’aube de cette nouvelle étape, glissant vers Millau avec l’impatience tranquille de ceux qui savent que la route leur réserve encore de belles surprises. Comme souvent, le voyage promet d’être généreux.
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| Viaduc de Millau |
Nous atteignons le site du Viaduc de Millau peu avant 14 heures. Après une pause repas bienvenue, nous partons en balade malgré la forte chaleur qui écrase le causse. Là, le viaduc s’impose, souverain et presque aérien. Suspendu entre le causse Rouge et le causse du Larzac, sa silhouette élancée, presque irréelle semble défier la vallée avec une grâce qui étonne : un fil monumental dressé entre ciel et terre, où l’ingéniosité humaine tutoie le paysage : un monument impressionnant, à la hauteur de sa réputation.
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| Dans les hauts de Millau |
Nous reprenons la route en direction de Roquefort-sur-Soulzon, ce royaume où naît l’un des fromages les plus emblématiques de l’Aveyron. Le village apparaît bientôt, étagé sur le flanc abrupt de la montagne, comme un nid minéral suspendu au-dessus de la vallée. Mais ses ruelles étroites et ses replis escarpés ne se prêtent guère aux dimensions de Jacqueline, notre fidèle véhicule. Contraints de rester à distance, nous ne faisons qu’effleurer Roquefort, en respirer un instant l’air frais et les parfums de caves invisibles. Une halte trop brève, semblable à une promesse laissée en suspens, que le voyage viendra peut-être un jour tenir.
L’après-midi décline doucement lorsque nous dénichons enfin un coin paisible pour établir notre bivouac à Saint-Rome-de-Tarn, tout près du fleuve qui serpente entre les falaises et l'écart de l'agitation estivale. Le Tarn, large et immobile en apparence, déploie ses charmes comme une invitation sous la chaleur épaisse de cette fin juillet. Il semble nous appeler de ses reflets mouvants. Impossible de résister : la baignade s’impose, fraîche et revigorante, comme un cadeau offert par la nature après les heures de route.
À quelques mètres à peine, cygnes et oies glissent sur l’eau avec une élégance nonchalante, insensibles à notre agitation. Leur présence tranquille donne au lieu une allure de tableau vivant, comme si nous étions soudain admis dans un univers où tout se déroule au ralenti. Le village, lové contre la colline, s’enveloppe peu à peu d’un silence feutré ; seules quelques voix lointaines et le clapotis du fleuve viennent troubler la douceur du soir.
Ainsi s’achève cette étape, bercée par l’eau, la lumière et la quiétude des lieux : un moment suspendu, simple et précieux, qui semble s’inscrire hors du temps et ajoute encore à la richesse des paysages et des découvertes accumulées au fil de la journée. Un souvenir lumineux, de ceux qui restent longtemps dans la mémoire comme une respiration profonde.
En ce 30 juillet, nous choisissons de prendre notre temps, de savourer une matinée sans contrainte ni précipitation. Tout se déroule au ralenti, comme si le paysage lui-même nous invitait à la douceur. Lorsque nous finissons par émerger de cette torpeur agréable, nous nous mettons à préparer notre embarcation pour une petite exploration dans les méandres du Tarn.
La direction des opérations revient, bien évidemment, à celle qui célèbre aujourd’hui son anniversaire : un commandement joyeux et plein d’entrain. Check-list validée, pagaies prêtes, gilets ajustés… nous glissons enfin le kayak à l’eau.
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| Cascade des Baumes |
Nous nous engageons aussitôt dans la remontée du courant, glissant entre les hautes murailles rocheuses qui nous dominent. Le silence est seulement troublé par le léger clapotis de nos mouvements. Une courte halte près de la cascade des Baumes nous permet de profiter de sa fraîcheur avant de passer sous le pont, puis de découvrir, au détour d’un coude, le château d’Auriac qui se dresse fièrement sur son promontoire.
Le château semble nous escorter un moment, jusqu’aux petits rapides où nous décidons de faire une véritable escale de marins. Picasso est le premier à se jeter à l’eau, pionnier enthousiaste. Une fois le kayak et nos affaires à l’abri, nous le rejoignons joyeusement. Nous éclatons de rire, nous laissons porter par l’eau, et l’espace d’un instant, nous redevons de vrais gamins — un plaisir simple et terriblement rafraîchissant.
Le retour s’effectue sans hâte, porté par un courant discret, presque timide en cette saison, mais suffisant pour nous guider sans effort vers notre point de départ.
La soirée, elle, s’annonce pareille à un murmure : simple, douce, suspendue, faite de ces instants précieux où l’on se contente d’être là… et où cela suffit pleinement.
Récapitulatif des nuitées :
Et la suite ! :
- France, de Plouguerneau à Saint-Rome-de-Tarn : vous êtes ici !
- France, de Saint-Rome-de-Tarn à Espalion
- France, de
Et les autres voyages avec Scott !









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Commentaires
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Dominique