Soigneur un jour ...

Levé aux aurores, petit déjeuner de ministre (enfin tout petit ministère mais grosses ambitions !), rasage de près, je lui dois bien ça et me voici devant la porte ! J’attends avec impatience, tout comme les cinq autres personnes qui ont rendez-vous ce matin en ce même lieu. Je n’ai pas eu mon pochon avec à l’intérieur mon goûter de dix heures. Du reste, personne dans le groupe n’a de pochon avec un goûter de dix heures ! J’attends, nous attendons … Nous nous regardons, timides, personne n’ose prendre la parole de peur de dévoiler sa présence, peut-être de gêner le voisin, de retirer du mystère à cette porte qui reste close. Huit heures trente, la serrure tourne …


C’est avec un large sourire que nous sommes accueillis par Jean. Il brise instantanément la réserve que nous avions les uns envers les autres. Après l’appel, normal personne ne se connaît, nous voici officiellement intronisés : « Soigneur d’un jour au zooparc de Beauval ». L’attente a été longue, pas celle de la porte qui doit s’ouvrir, celle de ce six mars ! L’attente, après avoir découvert sous un sapin vert, enguirlandé, une missive offrant à son destinataire d’accompagner les soigneurs le temps d’une journée. Un rêve pour un blondinet aux yeux bleus de tout juste … enfin dans la force de l’âge, dit-on poliment afin de ne pas froisser !



Après les présentations d’usage, Jean nous mène vers la fauconnerie. Nous faisons ainsi la connaissance de Nicolas, soigneur et fauconnier. Nous y apprenons les rudiments afin d’attirer un rapace et de le relâcher en toute sécurité, pour nous, mais également pour l’oiseau. Ce moment a été magique, comme du reste toutes les activités que nous allons réaliser ce matin. Soigner un animal est un sacerdoce. Il y a bien évidemment les instants de joie, naissances diverses, repas, enrichissements. Il y a aussi et c’est très important, la préparation des litières et le nettoyage qui, comme nous l’explique Jean et Nicolas, sont l’essentiel du travail de soigneur.


A l’issue de l’initiation à la fauconnerie, nous avons rendez vous avec les rhinocéros asiatiques. Facilement identifiables, ils n’ont qu’une corne. Cette corne est un amas de poils qui se collent les uns aux autres afin de former une masse. De fait, les braconniers et autres tortionnaires pourraient revendre leurs cheveux ! Ces derniers ont les mêmes vertus aphrodisiaques que les cornes de rhinocéros qui sont un amas de kératine ! Nous avons pour mission de rafraîchir la litière de Sananda, un bébé né le 16 janvier 2018, et de sa maman. Auparavant nous leur donnons de la luzerne, un délice, et pouvons approcher les mastodontes et leur prodiguer des caresses.


La suite de la découverte nous mène auprès des ratons-laveurs. L’animal hiverne c’est à dire qu’il dort de longues périodes en hiver mais dès que le temps le permet, comme aujourd’hui, il peut sortir. Nous leur avons préparé un repas à base de fruits. La technique des soigneurs pour les attirer est de leur proposer des croquettes… ils en raffolent ! La période pique-nique se poursuit avec l’alimentation des manchots de Humboldt, une des dix-huit espèces de manchots. Ils nous voient arriver de loin avec nos grands sabots ! Ils ont repéré les seaux remplis de poissons ! Ils s’attendent à un véritable festin. Et c’est à un festin qu’ils vont participer ! Ils viennent à nous et nous bousculent presque si l’on n'est pas assez rapide dans le service !


La dernière étape de notre initiation nous conduit sur l’île des lémuriens. Pour y accéder, nous devons emprunter un pont sous-marin ! En plus d’être de véritables soigneurs, Harrison Ford peut, à présent et sans risque, piocher parmi notre équipée les acteurs d’une future saga ‘’Indiana Jones’’ ! Le maki-catta endémique de l’île de Madagascar raffole de la patate douce et de la betterave. Nous les utilisons pour les faire venir à nous. Nicolas a préparé un enrichissement. Il s’agit pour le singe d’ouvrir une boîte dans laquelle se trouve une partie de son déjeuner. Ceci permet à l’animal de ne pas être que consommateur de son repas mais de continuer à réfléchir et s’amuser.


A l’issue de cette dernière activité, nous est rendue cette liberté que n’ont pas les animaux. Cependant, il faut l’admettre, l’intérêt d’un zooparc réside dans le travail réalisé par des équipes de passionnés afin de préserver certaines espèces et réintroduire des animaux dans leur milieu naturel. J’imagine que certains sont mieux dans un parc que d’être la proie de braconniers ou de promoteurs de toutes sortes. Le propos de ce jour n’est pas de pointer du doigt les tortionnaires d’un monde animal qu’ils ne respectent pas, de fait, se respectent-ils eux-mêmes ? Cette matinée, bien trop courte, restera un moment fort de mon appréciation du monde animal.
A présent, je me dirige vers Yuan Meng, c’est pour lui que je me suis rasé ce matin…